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Notion de race dans le mouvement wallon

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La notion de race dans le mouvement wallon a fait l'objet de plusieurs discussions dans les Congrès wallons et - sauf exceptions assez rares - tranchées dans le sens du rejet de cette notion (sinon du mot), dès 1905. Mais des polémiques ont pu refaire surface à la fin du XXe siècle, notamment autour du ministre belge et militant wallon Jules Destrée de l'institut qui porte son nom.

Un terme - au départ - sans connotations horribles[modifier]

Pour les hommes du XIXe siècle et ceux du début du XXe siècle, le mot race n'a pas les connotations horribles qu'il a revêtues par la suite. Ainsi Littré, cité par Corinne Godefroid, dans l'Encyclopédie du Mouvement wallon à l'article Race wallonne et mouvement wallon, explique que le mot :

« désigne tous ceux qui viennent d'une même famille, l'extraction, la réunion d'individus appartenant à la même espèce, ayant une origine commune et des caractères semblables, transmissibles par voie de génération [...] la race est la famille considérée dans la durée. De plus, elle est la lignée purement naturelle et physique, tandis que la famille implique un rapport social et moral... »

Jean Stecher mettait en cause ce qu'il appelait en 1859 le roman des races dont la Belgique avec sa dualité pouvait être le terreau:

«  On n'est que trop porté aujourd'hui à transformer l'histoire des intérêts et des principes en un conflit des races dont le conflit serait perpétuel, indéfectible[1].  »

Et de fait à côté des "races" flamande et wallonne apparut souvent la "race" belge.

Edmond Picard[modifier]

Curieusement Edmond Picard fut, lui, le tenant d'une théorie des races, inventant contre cette idée et pour soutenir son patriotisme belge que les "races" en Belgique avaient fusionné dans l' "âme" belge:

«  L'Âme belge [...] multiple en les facteurs qui l'ont engendrée, quoique désormais unique en son essence [...] Procède de l'âme germaine et de l'âme latine, ces deux variétés les plus saillantes de l'âme aryenne [...] à laquelle [...] la primauté du monde semble dévolue[2]. »

Les premiers congrès wallons axés essentiellement sur la défense du français en Belgique insistèrent sur l'unité de la race belge, sans pour autant rallier les conceptions d'E.Picard.

La réfutation de l'idée de race dans le mouvement wallon[modifier]

Le Congrès wallon de 1905 qui inaugure la série de Congrès wallons plus axés sur la défense de la Wallonie, donne la parole à Julien Fraipont qui déclare:

«  Non, il n'y a pas de race wallonne; non, il n'y a pas de race flamande [...] Nous sommes des métissés à tous les degrés[2].  »

Laurent Dechesne est encore plus catégorique:

«  Si les provinces wallonnes sont plus riches que les provinces flamandes, la cause n'en est pas ethnique, la plus grande richesse de la Wallonie résulte de causes où la race n'a rien à voir[2]. »

Le prétendu racisme de Jules Destrée. Son opinion sur Bruxelles[modifier]

Jules Destrée utilise cependant aussi le mot "race" notamment dans sa Lettre au Roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre et juge d'une certaine infériorité des métis. Il est vrai que par ce mot Destrée visait Bruxelles mais il écrivit aussi que la Cité des métis devient l'ardent foyer d'une civilisation européenne; c'est un rôle assez beau pour que nous puissions beaucoup lui pardonner [3]

On a parfois mis en cause en cause plus gravement cette position de Destrée, notamment dans un livre publié sous la direction d'Anne Morelli[4], auquel Philippe Destatte répondit longuement[5].

Dans un article de 1935, face à la montée du National-socialisme, Destrée écrivait

«  Après les infâmes assassinats de l'an dernier, après les persécutions systématiques de la pensée libre, des races dites non-aryennes et du socialisme; après que, tout cela se passant au vu et au su de tout le monde, le silence unanime a pris les allures d'une adhésion, nous finirions par estimer vraiment que lorsque parle Hitler, c'est l'Allemagne qui parle. Et cela quand il ment aussi bien que quand il dit la vérité[6]. »

La fin de toute équivoque[modifier]

Joseph-Maurice Remouchamps a une conception uniquement culturelle de la différence entre Flamands et Wallons et il prône d'ailleurs l'unité de la Belgique, à la tête de l'Assemblée wallonne. De même la Concentration wallonne n'use presque jamais du mot. Le dernier avatar de la "race" wallonne est le mouvement collaborationniste wallon Mouvement nationaliste wallon, antisémite, qui proclamait que la Wallonie avait résisté aux invasions germaniques et fut par conséquent dissout par l'Occupant. Il est vrai que, comme le note Corinne Godefroid, on entendra encore le mot "race" dans plusieurs réunions wallonnes, la plus fameuse étant celle du Congrès national wallon d'octobre 1945 où l'on put entendre le discours sur le fédéralisme de Fernand Dehousse où il use du mot "race" dans la conclusion, mais c'est dans un sens culturel, et en visant d'ailleurs peut-être autant le monde wallon que le monde liégeois.

Au témoignage de l'extérieur, et, en particulier de la Flandre, le discours du mouvement wallon, même s'il a connu de rares dérives, est démocratique et humaniste.

Voir aussi[modifier]

Notes et références[modifier]

  1. J.Stecher Flamands et Wallons, Bruxelles, 1859
  2. 2,0 2,1 et 2,2 Godefroid 2001, p. 1326.
  3. Wallons et Flamands, Plon, Paris, 1923, p. 133
  4. Anne MORELLI dir., Les Grands mythes de l'Histoire de Belgique, de Flandre et de Wallonie, Bruxelles, Vie ouvrière, 1995 et plus précisément l'article de Jean-Philippe Schréber accusant Destrée d'être antisémite et patriote belge
  5. Philippe Destatte, « Jules Destrée, l'antisémitisme et la Belgique : Lettre ouverte à tous ceux qui colportent des mythes éculés sur les Wallons et leur histoire », sur wallonie-en-ligne.net, Institut Jules Destrée, (consulté le 5 mai 2017).
  6. Jules Destrée in Journal de Charleroi du 17 juillet 1935

Voir aussi[modifier]

Bibliographie[modifier]

  • (nl) Corinne Godefroid, « Het ras in de ogen van de Waalse beweging : een begrip met een ‘veranderlijke geometrie’ », dans Marnix Beyen et Geert Vanpaemel (dir.), Rasechte wetenschap? : Het rasbegrip tussen wetenschap en politiek vóór de Tweede Wereldoorlog, Louvain/Amersfoort, Acco, , 237 p. (ISBN 90-334-3859-3), p. 131-153.
  • Corinne Godefroid, « Race wallonne et Mouvement wallon », dans Encyclopédie du Mouvement wallon, t. III, Charleroi, Institut Jules Destrée, (ISBN 2-87035-021-X), p. 1326.
  • Maarten Van Ginderachter, « L’Introuvable opposition entre le régionalisme citoyen wallon et le nationalisme ethnique flamand : à propos de l’Encyclopédie du Mouvement wallon », Cahiers d’histoire du temps présent, nos 13-14,‎ , p. 67-96 (lire en ligne, consulté le 5 mai 2017).
  • (en) Maarten Van Ginderachter et Joep Leerssen, « Denied ethnicism : on the Walloon movement in Belgium », Nations and Nationalism, Association for the Study of Ethnicity and Nationalism, vol. 18, no 2,‎ , p. 230-246 (DOI 10.1111/j.1469-8129.2011.00511.x).

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