René Girard (essai)
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René Girard (essai) ✒️📰 | |
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Thème | Philosophie, Anthropologie, Religion |
Courts éléments biographiques :
Naît à Avignon le 25 décembre 1923 et meurt à Stanford en Californie le 4 novembre 2015.
Elève de l’Ecole des Chartes (métiers de le conservation du patrimoine) comme son père qui était conservateur du Palais des Papes d’Avignon et du musée Calvet. Thèse d’archiviste paléographe.
Fait l’ensemble de sa carrière aux USA où il termine d’abord ses études par une thèse en littérature en débutant dans diverses universités comme professeur de littérature comparée.
Son œuvre, en quatre temps selon moi :
1. A partir de son enseignement en littérature comparée, il construit la théorie du désir mimétique (1er ouvrage, 1961, Mensonge romantique et vérité romanesque) à travers l’analyse de la « littérature romanesque » (versus romantique, la première fondée sur la vérité du désir mimétique, la seconde sur l’illusion de l’autonomie du désir), de Dante à Proust en passant par Cervantès, Shakespeare, Stendhal, Dostoïevski…
2. Se fondant sur le concept de mimétisme, il s’engage dans un projet d’anthropologie systématique à prétention rationnelle et scientifique se donnant comme vocation de comprendre la genèse de la culture humaine, l’hominisation, dans laquelle il voit la violence jouer le rôle central et inaugural. Une anthropologie qui se veut strictement scientifique, R.G. se défendant de toute hypothèse métaphysique pour rendre compte du religieux archaïque, par exemple, qui constitue l’essentiel des prémisses de la culture humaine. Une théorie athée du religieux si on peut dire au sens où le religieux archaïque est une pure création humaine destinée à résoudre des problèmes humains comme développée dans son second ouvrage de 1972, La violence et le sacré .
3. De l’analyse de ce religieux archaïque, qui se fonde, comme on le verra sur un mensonge essentiel va émaner un projet apologétique du christianisme qui, pour René Girard, énonce la vérité de l’homme (la vérité anthropologique fondamentale) en dénonçant le mensonge de la religion archaïque et donne la clé du salut en s’opposant aux mécanismes sacrificiels des religions archaïques. Là aussi l’entreprise se veut purement rationnelle en se fondant sur une interprétation rigoureuse des textes biblique et évangélique. C’est principalement développé dans la seconde partie de Des choses cachées depuis la fondation du monde, 1978, et dans Le bouc émissaire de 1982.
4. Passage à la foi : cette possibilité du salut témoignant, pour R.G., d’une transcendance, d’une surnature comme en témoigne, par exemple, son Je vois Satan tomber comme l’éclair de 1999.
Œuvre à la réception très contrastée : largement boudé et ignoré par l’Université française en même temps que très célèbre aux USA, il est élu à l’Académie française en 2005 où il trouve de grands thuriféraires comme Michel Serre (par ailleurs son collègue à Stanford) qui dit de lui dans son discours de réception qu’il est « le nouveau Darwin des sciences humaines » ou comme l’historien Pierre Chaunu qui en fait « l’Albert Einstein des Sciences de l’homme »…
Et tout à l’inverse on a des critiques radicales comme celle du philosophe René Pommier dont on peut se contenter de donner le titre de l’ouvrage qu’il consacre à R.G. : René Girard, un allumé qui se prend pour un phare.
1/ Désir et violence, le mimétisme.
Le concept central de l’œuvre de R.G. est celui de mimesis, d’imitation (il préfère le premier terme pour échapper au discrédit moderne, mais signifiant, qu’est porté au second). C’est à partir de ce concept qu’il construit sa théorie du désir, de la violence et de leur articulation.
Il part de la reconnaissance du fait que l’imitation est bien au principe de la culture humaine (dont il a l’ambition de retracer la genèse) mais en un sens qui, pour lui, n’est jamais aperçu (le rejet de ce sens venant lui-même valider sa thèse). Ce sens inaperçu est son sens acquisitif c’est-à-dire la « mimésis d’appropriation » qui n’est rien d’autre que le désir.
D’où sa thèse fameuse du désir mimétique : c’est toujours par imitation d’un autre qu’on désire acquérir un objet. Autrement dit, l’homme n’est jamais source, origine, auteur de son propre désir (pas d’autonomie du désir) mais ce désir provient, toujours, par imitation, d’un tiers (le modèle ou le médiateur). On désire donc toujours ce qu’un autre désire. On a toujours besoin du désir d’un autre pour pouvoir désirer nous-mêmes. C’est, dit-il « la loi fondamentale de l’être humain ».
On désire toujours le désir de l’autre. Ce qui peut s’entendre en deux sens :
1. Je désire ce que l’autre désire.
2. Je désire que l’autre me désire, être un objet de désir, d’admiration, d’envie… pour l’autre. Je peux être désiré pour ce que je possède (on retrouve le premier sens) mais aussi pour ce que je suis... Cependant à ne pas confondre avec le désir de reconnaissance hégélien (le désir du désir de l’autre) dont RG se démarque (Achever Clausewitz, chap. II) en affirmant qu’il s’agit toujours pour lui du désir d’appropriation, c’est-à-dire d’objets réels : quand je désire être ce que l’autre est, « je veux être alors ce que devient l’autre lorsqu’il possède cet objet ».
Ca signifie donc que l’objet n’est jamais désirable en soi. La source du désir n’est pas dans l’objet mais l’objet devient désirable si un autre le désire. Il faut être trois pour désirer : le sujet, l’objet et le modèle (qui devient par là et en même temps le rival). C’est le triangle mimétique. Noter que devient alors difficilement pensable dans cette théorie la simple réciprocité des désirs dans le désir amoureux, par exemple, dans sa version romantique, où le désir se distribue seulement sur deux pôles, où les deux amants sont seuls au monde. La question se pose en effet devant l’absence de distinction chez RG entre les objets du désir qui peuvent être objets dans tous les sens du terme (chose et extérieur à soi, au sujet), comme la nourriture par exemple, mais aussi seulement relativement (comme extérieur à soi) et non dans leur statut (chose) comme les femmes qui sont des sujets : qu’en est-il si l’objet désiré est lui-même capable de désirer ?
Et le désir circule le long de toutes les faces du triangle : quand le sujet désire l’objet de son modèle-rival, il le rend par là-même désirable ou à nouveau désirable pour le modèle lui-même. RG appelle « médiation double » ce cas où chacun des deux rivaux devient un modèle-obstacle pour l’autre. Ainsi Montaigne (que RG ne cite jamais…) parlant de Caton : « le grand Caton se trouva aussi bien que nous, dégouté ( = perdu le goût) de sa femme tant qu’elle fut sienne et la désira quand elle fut à un autre « (Essais, II, 15). Le tête à tête use le désir, il faut introduire un tiers pour le renouveler.
Ainsi le pessimisme schopenhauerien est dépassé. Pour Schopenhauer, notre vie est une alternance entre le désir et l’ennui car si le désir est un état de manque, quand on possède l’objet désiré on ne le désire plus puisqu’il ne manque plus. C’est alors l’ennui qu’on essaie de combler par un autre désir et ainsi de suite. Or selon la théorie de RG, il y a possibilité de continuer à désirer ce qu’on possède, il suffit de l’exposer au désir des autres : « d’Albertine, en revanche, je n’avais plus rien à apprendre. Chaque jour elle me semblait moins jolie. Seul le désir qu’elle excitait chez les autres (…) la hissait à mes yeux sur un haut pavois. » (Proust, La prisonnière).
RG montre l’existence de ce désir mimétique en évoquant son évidence chez l’enfant. Quelques enfants dans une pièce saturée de jouets finissent rapidement par se disputer le même. On l’expérimente là à l’état pur en quelque sorte car ce désir n’est encore en rien atténué par les différents comportements sociaux, culturels, comme, par exemple, la politesse où il s’agit de s’effacer devant le geste de désir de l’autre (« mais après vous je vous en prie »…) pour éviter que les gestes d’appropriation ne se focalisent en même temps sur le même pbjet et que s’ensuivent des violences. La politesse est, comme toute institution culturelle, un frein à la violence. Il en découle aussi que la solution à la violence ne peut pas être économique : une société de surabondance où chacun pourrait satisfaire ses besoins n’empêcherait pas la focalisation des désirs tout comme les enfants se disputent dans une pièce remplie de jouets.
RG, plus largement, repère la crainte de la violence suscitée par le désir mimétique dans la dévalorisation moderne de l’imitation, méprisée dans ses effets grégaires, homogénéisants pour, au contraire, valoriser la singularité, l’originalité, la différence. On se déferait de la mimesis , dans la modernité, par le mépris plutôt que, on le verra, par l’interdit comme dans le religieux archaïque. Mais cette simple dévalorisation moderne, si, d’une part soutient la thèse de la crainte du mimétisme du désir, d’autre part elle empêche de voir clairement ce mimétisme à l’œuvre au point de croire en l’autonomie du désir en quoi consiste pour lui, à travers la littérature, le « mensonge romantique » (la croyance en l’autonomie du désir) à quoi il oppose la « vérité romanesque » : « nous réservons le terme romantique aux œuvres qui reflètent la présence du médiateur sans jamais le révéler et le terme romanesque aux œuvres qui révèlent cette même présence » Mensonge romantique et vérité romanesque, p. 31) . C’est son argument essentiel : toutes les grandes œuvres romanesques, de Dante à Proust en passant par Shakespeare, Dostoïevski, Stendhal… se fondent sur le mimétisme du désir quel que soit le thème principal de l’œuvre. Ainsi du snobisme chez Proust : « le snob n’ose pas se fier à son jugement personnel, il ne désire que les objets désirés par autrui. C’est pourquoi il est l’esclave de la mode », le narrateur de La Recherche avouant : « j’étais incapable de voir ce dont le désir n’avait pas été éveillé en moi par quelque lecture ». C’est donc dans cet ouvrage, Mensonge romantique et vérité romanesque (1961), que se fait la découverte de sa grande thèse sur le désir mimétique pas encore connectée avec la question de la violence, encore moins avec celle du sacré et a fortiori avec le christianisme. Il me semble douteux, quoi qu’en dise RG aposteriori , que le projet apologétique soit initial.
Quittant la littérature vers des projets anthropologiques (deuxième moment de son œuvre), il montrera comment le religieux (il entend par là, d’abord, le religieux archaïque –les paganismes si l’on veut-, objet de l’ethnologie traditionnelle) se comprend dans ses mythes, ses rites et ses interdits par la possession d’un savoir véritable des mécanismes du désir mimétique et de ses conséquences, la violence. Autrement dit, pour comprendre le religieux, il faut comprendre que celui-ci a parfaitement compris les mécanismes anthropologiques fondamentaux et qu’il consiste à essayer d’en surmonter les conséquences catastrophiques.
Une petite anticipation : il ne faut pas conclure de ces rapports du désir à la violence que le désir mimétique est en soi mauvais. «Il est responsable en nous du meilleur comme du pire (…). Si leur désir n’était pas mimétique, si les enfants ne choisissaient pour modèles, forcément, les êtres humains qui les entourent, l’humanité n’aurait ni langage ni culture. Si le désir n’était pas mimétique nous ne serions ouverts ni à l’humain ni au divin (…) le désir mimétique nous fait échapper à l’animalité. » (Je vois Satan tomber comme l’éclair ). Ce qui signifie que, comme loi anthropologique fondamentale, le désir mimétique est le principe de l’hominisation, de la genèse culturelle. Pour anticiper, disons que la logique de son apologétique appelle cette ambivalence du désir car si l’autonomie du désir est illusoire (par parenthèse : que devient le grand projet de la modernité –et peut-être par quoi elle se définit- de rendre les individus autonomes et d’abord dans leurs choix (leurs désirs fondamentaux) si l’autonomie du désir est une illusion ?), nous sommes alors condamnés à l’imitation du désir des autres et, donc, si un salut est possible (une sortie de la violence) c’est par l’imitation d’un désir qui permettra d’échapper à la circularité mimétique, le Christ.
Revenons à l’analyse que fait RG du religieux. C’est l’ensemble des institutions qui permettent d’échapper aux conséquences catastrophiques du désir mimétique. Conséquences catastrophiques parce que, et voilà le lien avec la violence, le désir humain étant mimétique, il focalise nécessairement plusieurs individus sur le même objet qui n’est pas toujours partageable. Je dis « nécessairement », c’est-à-dire non accidentellement (ce qui serait le cas, par exemple, si la cause en était la rareté de l’objet et si c’était l’objet lui-même qui était désirable) mais du fait même de la nature mimétique du désir.
Le désir est nécessairement producteur de rivalités (Noter par parenthèse que la violence est la conséquence du désir mimétique, qu’elle est donc seconde dans le système Girard ; il ne dit jamais d’elle, comme il le dit du désir mimétique, que c’est « la loi fondamentale de l’être humain » et, si elle n’est pas essentielle à l’humain, le salut est possible. Mais si elle n’est pas « la loi fondamentale de l’être humain », elle est néanmoins au fondement des sociétés).
Et ces rivalités menacent toujours elles-mêmes d’entrer dans un cercle mimétique (la violence mimétique), d’être contagieuses. Même logique que celle du désir : c’est la violence dont il est l’enjeu qui valorise l’objet (ce n'est pas l’objet lui-même qui est porteur de valeur). Un objet pour lequel tout le monde s’entretue a forcément une grande valeur et mérite donc qu’on s’entretue pour lui… Ce qui est imité alors c’est la violence de l’autre. L’exemple type de cette violence en chaîne c’est la vendetta, « paroxysme et perfection de la mimesis » dit RG, perfection de la mimesis, c’est-à-dire violence qui n’existe que du fait d’être imitée. La vendetta, en effet, c’est l’éternel désir de vengeance réciproque entre clans, familles qui s’affrontent depuis des générations sans plus savoir, la plupart du temps, pourquoi. L’objet du conflit a été oublié. On sait seulement qu’il est important puisqu’on s’entretue pour lui. On ne fait plus que défendre son honneur, le vengeance devient un devoir. Le déshonneur c’est de ne plus pouvoir répondre à la violence, c’est de cesser d’imiter.
Donc un rapport d’implication réciproque entre le désir et la violence : tous les deux sont mimétiques et donc tous les deux contagieux et, on le verra, tous les deux plus ou moins indifférents à leur objet (ce qui signifie qu’ils peuvent se transporter d’un objet à l’autre ; l’autre, dans le cas de la violence, pouvant servir d’exutoire (de bouc émissaire) –voir la notion de sacrifice dans le premier chapitre de La violence et le sacré-).
Cette contagion de la violence menace, en risquant de gagner la totalité du groupe, de détruire l’ordre culturel (voir comment aujourd’hui devant l’éternelle crainte de la contagion de la violence, la menace de sa généralisation, on se rassure en la concevant comme endémique, circonscrite en des « zones sensibles » d’où, espère-t-on, elle ne débordera pas). Et il y a effectivement, pour RG des sociétés et des cultures qui se sont effondrées du fait de violences intestines.
L’ordre culturel est menacé de destruction par la mimésis (du désir et de la violence qui s’ensuit) parce que il y a un rapport d’identité entre la destruction du corps social et la mimésis. Une société, pour RG, est un réseau de différences (division du travail, hiérarchie, distinction des rôles et des fonctions). Détruire une société c’est aboutir à un état indifférencié, à une homogénéisation (on verra que mimer cette destruction –par exemple, le carnaval- consiste à effacer les différences, à les brouiller, à échanger les rôles, n’importe qui pouvant prendre le masque, le rôle, de qui il veut). Et la mimésis c’est aussi ce qui produit du semblable, de l’indifférencié. On se retrouve encore avec RG dans un paradoxe, à contre-courant de l’opinion généralisée selon laquelle c’est la différence, l’inégalité qui est facteur de violence. La violence, pour RG, c’est aussi bien et surtout le semblable, l’indifférencié (on verra plus loin que si la violence est au principe des sociétés c’est en supprimant, par la violence, le semblable pour créer du différencié (thème des doubles, des frères, des jumeaux : Romulus et Remus, Caïn et Abel qui sont, par le sacrifice, le meurtre de l’un des deux à l’origine de la culture, des cités) : c’est d’abord au sein d’un même livre que se font les guerres de religion, catholiques/protestants, chiites/sunnites…
Le concept central du système girardien est donc bien celui de mimésis. Mais, on l’a compris, la mimesis est ambivalente.Elle est à la fois productrice de cohésion (pas d’acquisition culturelle, pas d’intégration sociale sans imitation et, on le verra, elle l’est aussi sous une certaine forme de violence, celle du tous contre un qui grégarise) et productrice de dissolution (de rivalités quand la focalisation des désirs se fait sur un objet impartageable). Ces retournements qui sont ceux de l’amour à la haine sont par exemple ceux qui scandent le théâtre shakespearien, selon RG, parce qu’il se fonde sur les ambivalences de la mimésis : être amis c’est partager les mêmes désirs mais quand les désirs portent sur de l’impartageable les amis deviennent ennemis (voir Les deux gentilshommes de Vérone : « Valentin et Protée ne peuvent être amis qu’en partageant les mêmes désirs et, s’ils le font, alors ils deviennent ennemis » (quand ils désirent la même femme).
Cette ambivalence de la mimésis des rapports désir violence se retrouve aussi sur un autre côté du triangle mimétique : On l’a vu si le sujet a besoin du modèle pour désirer, le modèle a aussi besoin du sujet (relation de maître à disciple ». Ainsi Rousseau (que RG ne cite pas, refusant aux philosophes la vision du mimétisme) : « je prouverais enfin que si l’on voit une poignée de puissants et de riches au faîte des grandeurs et de la fortune, tandis que la foule rampe dans l’obscurité et la misère, c’est que les premiers n’estiment les choses dont ils jouissent qu’autant que les autres en sont privés, et que, sans changer d’état, ils cesseraient d’être heureux si le peuple cessait d’être misérable ». Le modèle lui-même donne de la valeur à ce qu’il a, ce qu’il est ou à ce qu’il fait parce que d’autres le désirent en étant dépourvus, c’est la jouissance d’être envié, de faire des envieux.
Là aussi ça génère de la violence, du fait de « la double contradiction » dans laquelle on enferme l’autre car si on a besoin, pour jouir de soi, du désir de l’autre, c’est à condition que l’autre ne réalise pas son désir de nous égaler auquel cas on ne serait plus désirable. L’autre doit demeurer dans la frustration. « Toujours imité, jamais égalé ». C’est par exemple le cas de la relation du maître et de son disciple. Ce dernier se trouve enfermé dans une double contrainte : « imites moi, mais ne réussis pas ton imitation, ne sois pas égal à moi » dit le maître. Et on peut très bien imaginer qu’il en est de même au niveau des sociétés qui auraient elles-mêmes besoin, à l’extérieur ou à l’intérieur d’elles-mêmes, d’autres qui font du contenu de sa culture l’objet de leur désir en même temps qu’elle leur en interdit l’accès. Et c’est même selon RG la seule véritable condition de la haine : « seul l’être qui nous empêche de satisfaire un désir qu’il nous a lui-même suggéré est vraiment objet de haine ». Et peut-être est il possible de lire chez Badiou (Notre mal vient de plus loin, 2015), sa thèse des trois subjectivités en termes girardiens : -la subjectivité occidentale (l’arrogance du modèle qui cherche le désir de l’autre, c’est-à-dire le désir d’être désiré sans être égalé),-la subjectivité du désir d’occident (le désir mimétique du sujet, de l’étranger) et la subjectivité nihiliste (cette troisième étant la forme frustrée de la seconde, (le ressentiment qui consiste à mépriser l’objet du désir auquel on ne peut atteindre), qui se transforme en haine et est capable de violence).
Si le désir mimétique produit toujours la rivalité mimétique qui menace perpétuellement l’existence sociale du groupe, les institutions sociales dont le sens est de maintenir l’existence, l’intégrité du groupe, de maintenir la paix, se comprennent comme ayant pour fonction de maîtriser les conséquences du mimétisme du désir et de la violence. D’où notre second point.
2/ Le sens du religieux.
Le religieux (RG entend d’abord par là les religions dites primitives, païennes, objets d’étude de l’ethnologie, les religions rituelles et sacrificielles) c’est l’ensemble des processus et procédés qui visent à maintenir la paix, c’est-à-dire à empêcher la contagion de la violence ou la « crise mimétique ». Le religieux est donc « fonctionnel » : il vise à résoudre le problème social essentiel, les dangers de la violence intestine de l’humanité. Donc une théorie athée du religieux chez RG, conçu comme simple production humaine visant à résoudre des problèmes humains.
Cette fonction s’exerce de deux manières qui sont les caractéristiques objectives du religieux : l’interdit et le rituel.
-L’interdit :
Contre toutes les théories ethnologiques de la modernité, RG affirme que l’objet de l’interdit religieux n’est pas la sexualité (Freud, Lévi-Strauss,…) mais la violence. Si la sexualité fait l’objet d’interdits, ce n’est pas en tant que telle mais en tant qu’elle est source, par la focalisation des désirs, de violence.
L’interdit porte sur la violence et, comme la violence est effet de mimétisme, l’interdit vise à éviter les comportements d’imitation. Théorème universel selon RG : « tout interdit peut être compris comme anti mimétique ».
L’apparente absurdité de beaucoup d’interdits va trouver là sa solution. C’est le type d’argumentaire le plus courant chez RG : la puissance d’intelligibilité de sa théorie qui prétend montrer la rationalité, voire l’intelligence, de ce que l’ethnologie traditionnelle ou instituée considère comme absurde. Plus même, elle affirme la supériorité anthropologique de l’interdit primitif sur l’anthropologie moderne : « l’interdit en sait plus long que nos sciences sociales sur la nature de nos conflits ». Intelligence donc de l’interdit.
Les interdits vont donc d’abord porter sur les objets accessibles le plus immédiatement, les plus proches à déclencher les rivalités : les aliments récoltés par le groupe (la consommation va être réglée), les interdits sexuels qui concernent les femmes du groupe : prohibition de l’inceste, loi d’exogamie… La prohibition de l’inceste étant l’interdit fondamental car il est surdéterminé. L’inceste, en effet, est, en plus de l’occasion de la focalisation des désirs, la marque de l’indifférenciation c’est-à-dire de la déstabilisation des différences sur quoi se fonde la culture : Œdipe en couchant avec sa mère est à la fois le père (puisqu’il prend sa place), le mari et le fils effaçant par là ces distinctions.
Puis l’interdit portera sur tout ce qui symbolise la mimésis : nombre d’interdits qui paraissent aberrants trouvent ici un sens : crainte et interdiction des miroirs, des images, des acteurs et du théâtre, condamnation des jumeaux… Bref tout ce qui constitue ou produit des doubles.
Enfin sur les conduites de violences mimétiques, des vengeances. Par exemple, RG explique par là l’apparente irrationalité de la justice des « primitifs » qui seraient incapables de repérer le vrai coupable, incapables même d’accéder au principe de culpabilité. Il propose alors une théorie de la justice qui ne manque pas d’intérêt et qui consiste à penser que sa véritable fonction, comme toute institution, est d’empêcher le déchaînement de la violence collective, le déclenchement du cycle des vengeances, donc la désintégration de la société. Et ceci vaut pour la justice des sociétés primitives comme celle des sociétés modernes, la fin est la même, seuls les moyens changent (argument, encore, de la théorie englobante, unitaire -unité critère de vérité-).
Chez les « primitifs », en l’absence d’un système juridique dont la transcendance (extériorité par rapport aux parties), dont l’impartialité, comme dans les sociétés modernes, l’extrait du cycle des vengeances, la punition va s’exercer soit à l’égard d’un objet (l’arme du crime par exemple) soit à l’égard d’un innocent (extérieur précisément aux parties en conflit) que personne ne désirera venger, soit encore au nom du divin à la vengeance duquel on ne peut répondre. Toutes choses parfaitement cohérentes si on comprend que la préoccupation est moins de « rendre la justice » (incarner la valeur de justice, exigence éthique absente dans les sociétés archaïques) que d’éviter le cycle des vengeances. Si le primitif ne punit pas le coupable « objectif », ce n’est pas parce qu’il est incapable de le repérer. Au contraire il l’identifie très bien pour ne surtout pas s’en prendre à lui. Le souci des sociétés primitives ne porte pas sur le coupable mais sur les victimes ou leurs proches. Ce sont en effet les victimes qui sont à craindre, c’est elles et leurs proches qu’il faut neutraliser car c’est à partir d’elles que peut s’enclencher le cycle des vengeances. Voici alors le principe de la pénalité : il ne faut pas punir celui qui réclamerait vengeance, que la justice moderne décline simplement autrement : il faut punir de telle manière que ça ne puisse susciter de vengeance.
Les systèmes juridiques modernes masquent leur fonction véritable sous leur rationalité. La justice rationnelle, c’est-à-dire celle qui cherche le vrai coupable, exige des preuves de sa culpabilité, s’efforce de comprendre le crime, se veut impartiale, transcendante et enfin punit en fonction d’un droit existant, a de fait la même fonction que la justice primitive : éviter la contagion de la violence. Et c’est précisément sa rationalité qui, dans la modernité, lui permet de pouvoir s’affirmer comme le dernier mot de la vengeance. Ce dernier mot est efficace parce qu’il permet de satisfaire le désir de vengeance tout en en stoppant le cycle, quand on (particulièrement les victimes) « fait confiance » à la justice, c’est-à-dire que la justice dans sa fonction est efficace dans les sociétés modernes quand la justice comme valeur est respectée. Pas de différence de principe entre vengeance privée et vengeance publique donc mais une énorme différence sur le plan social : la vengeance n’est plus vengée, le processus est fini, le danger d’escalade est écarté.
Cette efficacité curative des systèmes judiciaires modernes, c’est-à-dire leur capacité à bloquer le cycle des vengeances, est inaccessible aux sociétés primitives. C’est essentiellement d’une efficacité préventive qu’est capable le religieux. C’est la fonction de la seconde composante du religieux : le rite.
-Le rite :
La fonction du rite selon RG est donc de prévenir le déchaînement de la violence.
Les deux composantes du religieux : le rite et l’interdit ont entre eux cette relation que le premier consiste presque toujours à violer les seconds et surtout à reproduire ce que l’interdit tente d’ éviter : la crise mimétique elle-même.
RG s’appuie sur la description des rites que propose abondamment l’ethnographie et montre qu’on y retrouve les caractères de la crise mimétique :
1-La crise mimétique c’est les différences culturelles qui se brouillent et s’effacent (l’indifférenciation). Dans les rites on repère des inversions de rôles, des parodies réciproques… et, par exemple ce qu’il en reste dans nos sociétés : le carnaval où il s’agit de prendre à travers le masque, la figure et le fonction de l’autre, chacun peut être n’importe qui, les différences sont momentanément et, pour un temps déterminé, abolies.
2-Si les interdits sont anti mimétiques, le rite, qui est la représentation de la crise, va consister à les violer. C’est l’inceste rituel dans certaines ethnies, le gaspillage des nourritures que l’interdit protégeait de la focalisation des désirs… (voir la grande richesse des références ethnographiques dans Des choses cachées…, L.I, chap. III).
3-La violence réciproque : tous les degrés de cette reproduction se trouvent dans les rites, de ceux où la violence est effective à ceux qui, au contraire, semblent n’obéir qu’à une volonté esthétique d’harmonie. Des violences réelles mais réglées on passe à des « simulacres de combat » puis à des « danses guerrières » jusqu’à nos danses folkloriques d’aujourd’hui, vestiges des rites anciens selon RG, où se repère encore les représentations de l’imitation de la violence : « partenaires qui s’imitent réciproquement, positions qui s’échangent pendant que les partenaires continuent à se faire face… » (RG)
Ce passage de la représentation pure et simple de la violence à son contraire, l’harmonie, passage qui semble contradictoire éclaire en fait la véritable fonction des rites : transformer en acte de collaboration sociale, paradoxalement, la désintégration conflictuelle de la société.
Pour le comprendre il faut répondre à la question de savoir pourquoi les sociétés primitives s’abandonnent volontairement dans le rite à ce qu’elles redoutent le plus : la crise mimétique.
Pour résoudre ce problème, il faut, selon RG, s’intéresser à la manière dont le rite se conclut. Il se conclut toujours de la même manière : par le sacrifice d’une victime, homme ou animal.
La cessation de la crise simulée semble toujours permise par l’immolation d’une victime.
D’où notre troisième point :
3/ Le «mécanisme victimaire », sacrifice et sacralisation.
Le rite reproduit la crise mimétique et la clôt par un sacrifice. C’est donc, pour RG (lecture réaliste des rites et des mythes), que le sacrifice conclut réellement les crises mimétiques réelles.
Dans le rite, la crise n’est pas reproduite pour elle-même mais pour sa conclusion : le résultat de l’acte sacrificiel est la réunification dans la paix de la communauté. C’est dire qu’à l’opposition de chacun contre chacun succède l’opposition de tous contre un ou, ce qui est la même chose, l’union de tous contre un.
Ambivalence donc de la violence mimétique comme il y a ambivalence, on l’a vu, du désir mimétique : passage d’une mimesis de la dissolution à une mimesis de la réconciliation. Dans les deux cas il s’agit de violence mimétique.
Du " tous contre tous" au "tous contre un". RG insiste sur la nécessité de l’unanimité : le lynchage est le fait de tous sans exception (celui qui s’excepte risque lui-même le lynchage parce qu’il risque de transformer la violence unanime et donc « légitime » en simple acte criminel (anticipation : ce sera le renversement effectué par les textes bibliques) ; l’unanimité sanctifie la violence, l’absence d’unanimité la criminalise) et d’aucun en particulier (donc pas de vengeance possible). Ça prend de nombreuses formes : du procédé qui consiste à acculer en foule la victime au haut d’une falaise, la lapidation, le peloton d’exécution, … Tous, donc, mais personne en particulier. Unanimité essentielle parce que condition de l’innocence de chacun en particulier. C’est justement parce que la victime supporte l’opposition de tous qu’elle ne trouvera de défenseur en aucun, qu’elle ne pourra plus susciter de vengeance. Le sacrifice, défini ainsi, est violence sans risque de vengeance.
On a compris qu’il s’agit dans le sacrifice de la victime émissaire. Le sacrifice de la victime émissaire clôt donc la crise. « Le sacrifice est la violence qui est le dernier mot de la violence. » (l’analyse du « mécanisme sacrificiel » se fait de manière développée dans Le bouc-émissaire (1982))
On passe, selon les termes de RG, de la « mimesis d’appropriation » qui divise, à la « mimesis d’antagonisme » qui rassemble les hommes contre un même adversaire.
Le désir divise, la violence rassemble.
On ressoude le lien social en se donnant un même ennemi. Le processus fonctionne encore aujourd’hui.
Et c’est finalement l’efficacité de ce processus en même temps que sa méconnaissance (les sociétés primitives pratiquent le mécanisme de la victime émissaire sans bien sûr le désigner comme tel, ce qui le rendrait inefficace ; elle croit en la culpabilité de la victime émissaire) qui va produire la sacralisation de la victime par quoi on entre dans le religieux proprement dit.
Le retour à la paix produit par son sacrifice confirme donc sa responsabilité totale dans la crise mimétique, innocentant par-là tous les adversaires précédents et faisant donc cesser les hostilités. Le mécanisme s’auto-organise, s’auto-confirme, s’auto-justifie. Par exemple, c’est l’efficacité qui entraîne la méconnaissance : c’est l’efficacité du processus qui induit la croyance en la culpabilité de la victime ; si en la supprimant, la paix est restaurée, c’est bien qu’elle était à l’origine du mal.
La sacralisation : cette victime, d’abord unique source du mal, est maintenant responsable du retour à la paix. D’où sa sacralisation et les caractères attribués au divin, sa double puissance transcendante : puissance de vie et de mort à l’égard de la communauté, capable de tout détruire et de tout reconstruire (le dieu de l’Ancien Testament aura encore ces attributs : créateur du monde et déclencheur du déluge), elle-même au-delà de la vie et de la mort, « vivante elle cause la mort, morte elle cause la vie » dit RG, suprêmement maléfique et suprêmement bénéfique. Capable donc de transcender toutes les finitudes humaines (la vie et la mort), s’ébauchent alors par ce mécanisme les traits de la transcendance religieuse. Mais RG, à ce niveau, réduit encore toute sa théorie du religieux à des rapports purement humains, à des créations humaines. Le religieux archaïque est création humaine, les dieux païens sont créés par les hommes.
Ce fondement du religieux est en même temps, pour RG, le fondement de la culture de l’humanité. Toutes les règles culturelles (celles qui définissent les interdits, qui organisent les rites, …) viennent de la résolution de la crise sacrificielle. Plus concrètement encore, il montre par exemple, parmi ses nombreuses analyses, comment la domestication des animaux (grand fait culturel) procède des pratiques sacrificielles (Des choses …, LI, Chap. II, D), etc.
Mais, plus généralement, voici le schéma : la violence réciproque c’est l’état de nature qui est un état de violence parce qu’état d’indifférenciation. L’homme ne se distingue pas de l’autre et n’accède donc pas à la conscience de soi. Tout homme est le double de tout autre et c’est pour cela qu’il désire, sans frein aucun, le désir de l’autre et qu’il ne peut l’atteindre qu’en le détruisant. Donc l’ordre social (c’est-à-dire la distinction, la différenciation) suppose l’expulsion de cette violence, que ce soit par la limitation des désirs, par le refus du mimétisme des désirs : l’interdit (Hobbes, Freud, Bataille, Lévi-Strauss font de la règle , de l’interdit donc [la fonction de la règle est d’interdire un possible], le principe culturel) ou que ce soit en projetant cette violence dans un seul (la victime émissaire).
Pour RG, l’expulsion de la violence par quoi se fonde l’ordre culturel se fait donc par la violence elle-même, par cette violence qui prétend clore le cycle des violence : le sacrifice de la victime émissaire. Toutes les cultures se fondent sur un meurtre fondateur.
C’est cela que, selon lui, tous les grands mythes racontent. Exemple : Caïn et Abel, Romulus et Remus mettent en scène la violence par laquelle l’un des deux frères (qui symbolisent les doubles, l’indifférenciation) doit mourir pour que la différence apparaisse afin que la Cité (c’est-à-dire l’ordre social, l’ordre culturel) soit fondée.
4/ L’interprétation des mythes (l’interprétation réaliste de RG).
Voir texte en annexe qui rapporte deux mythes d’origine éloignée (nord du Canada et quelque part dans le Pacifique) proposés par Lévi-Strauss que RG analyse dans Les choses … pour préciser les différences entre son interprétation et celle de L-S.
RG y retrouve les différents moments du « mécanisme girardien » :
1. La violence . Premier mythe : le regard foudroyant (accusation mythique par excellence du maléfique, le « mauvais œil »). Deuxième mythe : le vol « du système culturel », les épreuves de force et de vitesse (ritualisation de la violence collective).
2. L’indifférenciation. Dans les deux mythes le mélange initial de l’humain et du divin.
3. Le meurtre de la victime émissaire et l’unanimité des meurtriers. Premier mythe : « ses compagnons l’obligèrent donc à retourner au fond des mers ». deuxième mythe : « la famille des dieux se lança à sa poursuite (…) vers les collines (…) Cette fois Tikarau tomba pour de bon ».
4. Le retour à l’ordre, à la différenciation. Premier mythe : passage d’une société indifférenciée à la constitution de cinq clans distincts. Deuxième mythe : de la « nourriture entassée » à la distinction entre les différents types de plantes qui sont à la fois condition de survie du groupe et de la distinction des clans.
5. Enfin la sacralisation de la victime qui se fait dans le temps même de son exécution : Tikarau à la fois « tombe pour de bon » et « réussit à gagner le ciel ».
Ce que propose RG contre L-V c’est une « lecture réaliste », selon ses propres termes, des mythes. Selon lui, L-S ne s’occupe que de la structure des mythes, c’est-à-dire ne s’intéresse pas à leur contenu (le lynchage par exemple). Il y repère (comme RG) toujours la même structure, un mouvement de l’indifférenciation à la différenciation et que ce mouvement se fait par une logique de l’exclusion (de l’abstraction) [l’idée est que, dans une masse homogène et compacte, il faut faire un peu de vide pour qu’il y ait du jeu qui permette aux éléments de se séparer, de se distancier donc de se distinguer, se différencier afin de pouvoir entrer en relation et de dépasser la simple juxtaposition. Bref on passe du tas au tout organisé (les éléments établissent entre eux des relations, des liaisons)]. Pour L-S (et là on n’est pas avec RG) ce ne sont là que des représentations métaphoriques de la genèse culturelle qui consiste en l’apparition de la pensée différenciée (qui conceptualise donc catégorise, classe, hiérarchise, ordonne, met en relations diverses les objets du réel). An contraire, RG, lui, s’intéresse au contenu dramatique des mythes. Il faut, selon lui, se demander pourquoi l’apparition de l’humanité dans les mythes est toujours représentée par un même contenu : une violence suivie d’un lynchage, question que ne pose pas L-S. Ce contenu ne peut être ignoré. Tous les mythes racontent qu’une violence sacrificielle est à l’origine de la culture, que la culture s’inaugure par un meurtre unanime fondateur.
Il confirme cette lecture réaliste par l’analyse des « textes de persécution » (textes du Moyen-âge occidental qui rapportent les persécutions des juifs, les procès de sorcellerie… étudiés dans Le bouc émissaire (1982)). On y trouve toujours les mêmes mécanismes : des violences et des lynchages qui restaurent l’ordre. « Mais personne ne songe à faire pour ces récits une lecture simplement métaphorique » écrit RG comme pour les textes antiques et archaïques. On sait qu’ils rapportent des faits réels. Or ils racontent la même choses !
C’est à partir de l’analyse de ces textes que va s’inaugurer son projet apologétique qui commence par le repérage de la spécificité des textes bibliques et évangéliques (à partir du chap. IX de Le bouc émissaire, voir p. 152, 153).
5/ Le sens de l’écriture judéo-chrétienne.
Changement de genre. D’une analyse rationnelle et même scientifique des mythes archaïques, on entre, avec celle des mythes bibliques, dans un projet apologétique qui commence par un travail exégétique rationnel et rigoureux.
Le sens général : le contenu des textes bibliques est identique à celui des mythes archaïques, se référent aux mêmes vérités anthropologiques, celles que révèle RG, mais à une différence près, qui est considérable, et qui rend compte de leur spécificité : « la sacralisation de la victime est absente ou à peine ébauchée » (en fait Dieu est toujours déjà là, il n’émane pas d’un sacrifice). Ce qui signifie, pour RG, que ces textes entreprennent une démystification, une désacralisation, en rendant visible, manifeste, le mécanisme victimaire.
Ce sont alors des textes qui n’ont pas le même « statut » ou la même valeur que les mythes archaïques : « les compte-rendus mythiques représentent les victimes de la violence collective comme coupables. Ils sont tout simplement faux, illusoires, mensongers. Les compte-rendus bibliques et évangéliques représentent ces mêmes victimes comme innocentes. Ils sont essentiellement exacts, fiables, véridiques. » (Je vois Satan tomber comme l’éclair (1999), p. 17). Cette vérité est même celle de l’univers occidental actuel : cette démystification, dont les écrits judéo-chrétiens sont l’origine, en dévoilant le mensonge du mécanisme victimaire de contrôle de la violence, produit nécessairement une recrudescence de celle-ci. L’univers occidental est dans cette transition entre la mythologie proprement dite et la démystification encore en marche (puisque RG lui-même y participe par son œuvre !). « On assiste donc en même temps et paradoxalement à un progrès éthique et à une violence grandissante » écrit-il. Temps apocalyptique donc, le terme « apocalypse », s’il connote la violence, son étymologie signifie « révélation ». Il lit chez Clausewitz (Achever Clausewitz (2007)) sous son concept de « montée aux extrêmes » qui définit la guerre moderne l’emballement mimétique sans frein de la violence dans notre monde actuel. Intuition dont le développement n’est pas achevé chez Clausewitz (et même masqué sous cette forme de simple traité technique de stratégie que donne Clausewitz à son ouvrage De la guerre) dans son ouvrage de fait inachevé ( l’auteur est emporté par le choléra en 1831) et que RG se propose, pas moins, d’achever. De la guerre est pour RG l’intuition géniale de l’apocalypse.
Donc textes de révélation (révélation « des choses cachées depuis la fondation du monde »). Révélation qui doit entraîner la désagrégation du mécanisme victimaire qui ne fonctionne que parce qu’il se méconnaît.
Mais révélation difficile à entendre (il y faut, aujourd’hui encore, le secours décisif de RG !) : « vous serez toute oreille et vous ne comprendrez pas, vous regarderez de tous vos yeux et vous ne verrez pas » (Mat. 13-14).
Incompréhension qui est aussi bien celle des croyants que des incroyants. Croyants qui persistent dans leur lecture sacrificielle (le père sacrifie son fils pour sauver les hommes, le Christ comme tout bouc émissaire se charge de tous les péchés et est sacrifié). Incroyants qui, pour la même raison, ramènent le christianisme à une fiction humaine fonctionnelle comme toute religion.
1-L’A.T. et les mythes primitifs :
L’A.T. est d’abord interprété comme une reprise des mythes primitifs. On y retrouve les 3 moments du mécanisme victimaire décrit par RG.
1. La dissolution conflictuelle, l’effacement des différences… : Les premières lignes de la Genèse (le monde est sans différences, l’action de Dieu sera séparatrice, différenciatrice et, par là, créatrice…) ; la confusion de la Tour de Babel jusqu’à la différenciation des langues ; la corruption de Sodome et Gomorrhe ; le déluge ; le thème des frères ou jumeaux ennemis (Caïn et Abel, Jacob et Esaü, Joseph et ses frères…)
2. Le « tous contre un » de la violence collective souvent sous le thème de l’expulsion arbitraire : l’expulsion du paradis terrestre, Jacob et Esaü, Joseph et ses frères…
3. Instauration des interdits et retour à l’ordre : la circoncision, les Lois, la remise en ordre de la nature par Noé...
On retrouve donc les ingrédients des mythes primitifs mais avec un savoir anthropologique véritable et donc une intelligence du caractère mimétique du désir (voir texte « l’interdit biblique » et l’analyse que fait RG du Livre de Job dans Le route antique des hommes pervers) d’où découle une singularité fondamentale. Exemple de l’épisode Caïn et Abel : on peut le rapprocher du mythe de Romulus et Remus en ce qu’ils sont tous les deux des mythes fondateurs, qu’ils signifient l’un et l’autre le sacrifice de l’un des frères (les « doubles ») pour que la différence s’instaure et que la communauté soit fondée. Apparemment semblables à cette différence près que si le meurtre de Remus apparaît comme justifié par la transgression de la victime, celui de Caïn n’est pas justifié et « Caïn est traité en vulgaire assassin » dit RG et marqué comme tel. Et même si le premier meurtre déclenche le développement culturel (chap. IV de La Genèse), il n’est pas racheté pour autant.
Apparaît donc, selon RG, avec le mythe biblique quelque chose de plus : une dimension éthique, un jugement moral. Dans les mythes bibliques apparaît une tendance systématique à se situer moralement du côté des victimes et à rendre manifeste leur innocence. Rupture donc avec toutes les cultures qui reposent sur le meurtre collectif parce que l’efficacité du mécanisme victimaire suppose la conviction unanime de la culpabilité de la victime, pourtant arbitrairement choisie.
Mais ce travail de démystification n’est pas mené à son achèvement dans l’A.T. parce que selon RG on n’arrive jamais à la conception d’un Dieu complètement étranger à la violence (Voir l’analyse de RG de ce travail, pour lui, en train de se faire dans le Livre d’Isaïe (en particulier au chap. 53)).
2- Le N. T. Le sens de la Passion.
La passion, c’est la conséquence d’une révélation intolérable pour ceux qui l’entendent et, par la violence que déclenche de leur refus de l’entendre, la vérification en acte de cette révélation. Cette révélation est, en effet, celle du meurtre fondateur : se révèlent « les choses cachées depuis la fondation du monde », c’est-à-dire, bien sûr, cette fondation elle-même, à savoir « le meurtre unanime », «qui apparaît au grand jour pour la première fois [comme étant celui de l’innocent] dans la croix .» (Achever Clausewitz, p. 16).
Sens de la Passion que RG repère le plus explicitement dans ce qu’on appelle « la malédiction des Pharisiens » (Luc, chap.11 à partir du verset 39) : « Malheur à vous qui bâtissez les tombeaux des prophètes et ce sont vos pères qui les ont tués ! Ainsi vous êtes des témoins et approuvez les actes de vos pères ; eux ont tué et vous vous bâtissez… » (48 et 49) ou, autre traduction : « Eux ont tué les prophètes, vous vous bâtissez leurs tombeaux ». Métaphore du tombeau qui renvoie pour RG au double mouvement de la violence qui se dissimule et sacralise, le tombeau étant à la fois ce qui cache le corps et par quoi on honore le mort.
Et la perspective de la passion suit immédiatement (derniers versets du chapitre 11) : « Quand il fut sorti de là [de chez le pharisien qui l’avait invité à dîner chez lui], les scribes et les pharisiens se mirent à lui en vouloir terriblement… ». Ils lui en veulent pour les paroles qui révèlent « le mécanisme victimaire » et ne peuvent rejeter ces paroles que par une nouvelle violence.
Négation violente de la violence, c’est la passion elle-même. Conséquence d’une révélation intolérable et vérification de cette révélation puisqu’elle l’accomplit .
Mais le sacrifice de la passion, par là, a un tout autre sens que celui des religions sacrificielles. Il en est l’inversion pour deux raisons :
1. Jésus est toujours présenté dans les Evangiles comme la victime innocente d’une collectivité en crise qui se réconcilie, se réunifie contre lui. C’est donc un sacrifice qui cette fois est présenté comme « une injustice criante » dit RG et qui par conséquent rejette la violence collective non sur la victime mais sur les vrais responsables : « en vérité je vous le dis, tout cela va retomber sur vos têtes ».
2. En ce que le Christ n’est pas une victime comme une autre : son sacrifice est le sacrifice de celui qui révèle le sens du sacrifice.
D’où la logique énoncée plus haut : la Passion est la révélation en acte de la révélation verbale du meurtre fondateur (de l’innocent) . C’est la répétition du meurtre sacrificiel contre celui qui en révèle le sens, meurtre qui se fait au nom du refus de cette révélation et donc qui, en même temps, et par le fait même, la confirme. C’est la vérité de la révélation, irrépressible si on peut dire. Autrement dit la révélation, une fois énoncée, produit un processus irréversible : on ne peut étouffer cette parole sans en même temps la confirmer par le même geste.
(Petite parenthèse critique : ça semble complexe, mais c’est comme du Guy Béart : « Le premier qui dit la vérité… Il sera exécuté ». Il suffit d’imaginer que la vérité qui est dite est celle-là même : « Le premier qui dit la vérité… Il sera exécuté ». Alors si on l’exécute on atteste par là qu’en effet il a dit la vérité ! C’est le fameux « fondement absolu », objet de la traque métaphysique (un dispositif métaphysique tel que toute tentative pour le nier le confirme et qui va alors constituer le principe sur lequel tout édifier), fondement indestructible même par le « grand négateur » qu’est, par exemple, « le malin génie » cartésien (capable de faire en sorte que toutes mes pensées soient erronées), négateur absolu, qui trouve sa limite dans le cogito alors fondement absolu (Le « malin génie » ne peut faire que je ne sois pas quand je pense que je suis et même quand je pense que je ne suis pas car j’atteste encore par là que je suis) tout comme la logique pour Aristote contre la validité de laquelle on ne peut argumenter qu’en en faisant usage et, par là-même, en attester la validité. Tour de passe-passe logique ? Certains logiciens le pensent y repérant le paralogisme des discours autoréférentiels (quand le discours se prend lui-même pour objet) et pour lesquels se pose la question de savoir s’ils sont capables d’énoncer quelque vérité que ce soit ou si, au contraire, étant des discours tournant sur eux-mêmes, fermés sur eux-mêmes, ils enferment la pensée dans un cercle sans issue donnant l’illusion d’une certitude indépassable…)
En tous cas RG va alors argumenter longuement contre la lecture sacrificielle qui s’est faite et continue à se faire des Evangiles. Pour lui les Evangiles ont été lus et continuent à être lus souvent à la lumière des mythes faute de comprendre le renversement qu’ils opèrent. Dans cette fausse perspective la passion est encore une exigence sacrificielle du Père : Dieu lui-même réclame une victime, la plus précieuse, son fils…
Il s’agit alors de montrer, pour RG, qu’essentiellement les Evangiles affirment le refus de toute validité au sacrifice : « Allez donc apprendre le sens de cette parole : c’est la miséricorde que je désire et non le sacrifice » (Mat. 9-13). Plus clairement encore la révélation est la dénonciation des fonctions réconciliatrices du sacrifice : « Si donc tu présentes ton offrande à l’autel et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande devant l’autel et va d’abord te réconcilier avec ton frère. Puis, viens présenter ton offrande » (Mat. 5-23,24). Ce ne sont pas les offrandes (=le sacrifice) qui doivent permettre la réconciliation mais la réconciliation doit précéder les offrandes (qui ne sont plus qu’offrandes sans vertus sacrificielles). Inversion donc, l’éthique est maintenant au principe, nous sommes dans le monde évangélique.
Cette lecture non sacrificielle implique que le Dieu des Evangiles soit compris comme essentiellement non violent. Mais il ne se révèle tel qu’il est que pour ceux qui ont compris la parole démystificatrice du Christ. Connaître Dieu c’est comprendre la parole démystificatrice. C’est le sens, selon RG, d’un des textes les plus célèbres des Evangiles (Mat. 5-44) : « Vous avez appris qu’il a été dit : tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais moi je vous dis : aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui vous maltraitent et vous persécutent afin de vous montrer les fils de votre Père des cieux car il fait lever le soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes ». Voir aussi Jean (15-26,27 et 16-1,2, 3).
Mais cette lecture non sacrificielle, identique à une conception non violente de la divinité, rencontre certaines difficultés. En particulier celle de concilier l’idée d’un Dieu non violent et les thèmes apocalyptiques qui paraissent annoncer une sorte de « purgation violente orchestrée par Dieu » (RG).
Ce qu’il importe de montrer pour RG à travers la lecture de ces textes c’est que la violence n’est pas divine mais qu’elle est toujours rapportée aux hommes. Il lui faut tout de même des prodiges d’interprétation pour le montrer ! (Voir Des choses …, L. II, chap. II).
L’idée est que le sens de l’Apocalypse c’est « l’efficacité de l’échec de Jésus » dit RG ; c’est-à-dire l’emballement de la violence dû au retrait de l’efficacité du mécanisme victimaire provoqué par sa révélation, sa compréhension. Le mécanisme supprimé, la violence n’a plus de freins. L’Apocalypse est la conséquence nécessaire de la Révélation et marque par là-même l’absolue responsabilité de l’homme dans l’histoire qui fonctionne au mimétisme qui caractérise l’homme.
L’Apocalypse crée donc une situation où la conversion devient nécessaire : « soit on laisse l’humanité s’éteindre, soit on entend enfin la parole du Christ » (RG). L’Apocalypse est donc la condition tragique de la Révélation.
Quelle est cette parole salvatrice du Christ ? C’est dans ce qu’on appelle « les prédictions du royaume » qu’on trouve pour RG la réponse à la question : comment sortir de la violence ? Principalement Matthieu, chapitres 5 et 6 (Le « Sermon sur la montagne »). Le sens : c’est l’amour qui se substitue aux interdits, aux rituels et tous les appareils de la religion sacrificielle comme l’énonce le passage peut-être le plus connu des Evangiles : « Vous avez appris qu’il a été dit œil pour œil, dent pour dent. Et bien moi je vous dis de ne pas tenir tête au méchant. Au contraire, quelqu’un te donne-t-il un coup sur la joue droite, tends lui encore l’autre joue » (Matt. 5-38). Il s’agit toujours de réconcilier les frères ennemis (comme en 5-23, 24) et donc de rompre le cycle de la violence mimétique par le renoncement à la violence, de ne pas répondre à la violence par la violence.
De cette parfaite connaissance des mécanismes de la violence que manifestent les Evangiles, selon RG, se tirent les moyens recommandés par le Christ, « d’une objectivité rigoureuse » (RG) et qui peuvent se ramener à une règle unique : le renoncement à l’idée même de rétribution : « car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense avez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? » (Matt 5-46).
Il s’agit, en renonçant aux conduites qui ont toujours paru les plus légitimes (répondre aux bons procédés par de bons procédés, aux mauvais par de mauvais), de rompre avec la circularité mimétique qui est au fondement de la violence. (Peut-être aussi lire dans le chap. 6 de Matthieu l’exigence de ne pas se poser comme modèle, comme pôle d’envie et de désir).
Pour RG le christianisme n’est donc en rien une morale utopique. C’est l’énoncé des règles d’ «un réalisme absolu » (RG) fondées sur une connaissance vraie de la violence, sur la vérité anthropologique. C’est donc bien une apologétique du christianisme c’est-à-dire une défense du christianisme fondée sur une argumentation rationnelle et même, aux yeux de RG, sur une démonstration scientifique.
Nous n’en sommes donc pas encore à la foi. Il affirme que sa recherche de l’anthropologie chrétienne évangélique a été « poursuivie aussi longtemps que possible sans présupposer la réalité du Dieu chrétien. Aucun appel au surnaturel ne doit rompre le fil des analyses anthropologiques « (Je vois Satan… p. 295).
Puis ça semble devenir impossible.
Conclusion : le passage à la foi.
Si « le mimétisme est la loi fondamentale de l’être humain » comme nous le disions au tout début, deux conséquences peuvent être tirées (correspondant peut-être à deux niveaux de la foi).
La première est que le salut ne peut venir d’une impossible autonomisation du désir. Tout désir reste nécessairement mimétique. Le salut ne peut donc venir que d’une réorientation, une conversion de l’imitation : de Satan au Christ. Il s’agit d’imiter une manière d’être qui permette de rompre le cycle de la violence mimétique. Manière d’être définie dans le Sermon sur la Montagne. Croire donc dans la parole du Christ. Imitation de Jésus-Christ. C'est la foi chrétienne.
La seconde conséquence (voir texte en annexe : Nouveau testament, rupture de l’unanimité persécutrice) de l’existence de cette loi fondamentale : si des hommes réussissent à échapper au mimétisme, à « la puissance irrésistible des emballements mimétiques » (RG) comme c’est le cas du « petit groupe des derniers fidèles » du Christ, il faut faire l’hypothèse « d’une force supérieure à la contagion violente » (RG) , proprement surhumaine et « comme il n’en existe aucune sur cette terre » (RG), cette force ne peut relever que de la surnature, d’une transcendance. On retrouverait certainement la même logique au principe de la conversion de Paul : prise de conscience et dépassement, surnaturel, de son grégarisme violent provoqué par cette question du Christ : « pourquoi me persécutes-tu ? ».
Le christianisme n’est donc pas seulement pour RG la vérité anthropologique et la condition vraie du salut. Il témoigne nécessairement de Dieu.
L’argumentaire peut sembler court. Je ne prétends pas faire ici le tour de la question. Simplement deux remarques :
-L’appel à la transcendance, c’est-à-dire le recours à la foi, on l’a vu plus haut, ne s’inscrit pas, en droit, et selon l’auteur lui-même, dans son œuvre anthropologique.
-Son œuvre exclut, par ailleurs, que la foi en la divinité du Christ puisse se fonder sur les faits du sacrifice et de la résurrection qui se rattachent trop au religieux archaïque et sacrificiel dont le christianisme est, selon lui, le dépassement. La divinité du Christ se manifeste plus certainement pour RG dans le message du Sermon sur la Montagne ou dans le geste dépassant de manière surnaturelle le mimétisme des Apôtres.