Homosexualité dans le droit canon et la discipline de l'Église catholique latine
Pour l'Église catholique latine, les actes homosexuels sont considérés comme des péchés graves. Cette doctrine est manifeste dans les divers textes relevant du droit canon ou précisant la discipline ecclésiastique. Les actes homosexuels sont lourdement sanctionnés : excommunication, bannissement, réduction à l'état laïc ou privation de tout office et charge pour les clercs, longue pénitence, peine d'infamie.
Les conciles latins[modifier]
Le XVIe concile de Tolède, en Espagne, de 693 affirme au paragraphe 3 : « Le progrès du sodomisme rend nécessaire la promulgation de peines sévères. Si un évêque, un prêtre ou un diacre se rend coupable de ce péché, il sera déposé et exilé à tout jamais. En outre, l'ancienne loi en vertu de laquelle les pécheurs de cette espèce sont exclus de tous rapports avec les chrétiens, sont battus honteusement, dépouillés de leurs cheveux, et exilés, continue à rester en vigueur. S'ils n'ont pas fait une pénitence suffisante, on ne devra pas, au lit de la mort, leur accorder la communion[1].»
Le texte rendant compte du grand synode de Reims, en France, sous le pape Léon IX, en 1049 décrit au canon 12 : « On prononça ensuite l'excommunication contre les sodomites et contre les nouveaux hérétiques qui se montraient dans les Gaules, et aussi contre tous ceux qui accepteraient d'eux une charge ou un service, ou bien qui voudraient les défendre[2].»
Le synode de Londres, en Angleterre, de 1102 déclare : canon 28 : « La sodomie est frappée d'excommunication. » et au canon 29 : « Tous les dimanches, on proclamera cette sentence d'excommunication dans toute l'Angleterre[3] ».
En , le concile de Naplouse, dans le royaume franc de Jérusalem, (actuelle Cisjordanie), décrète : Chapitre 8 : « Si quelque adulte a été reconnu s'être souillé volontairement du dérèglement de Sodome, tant activement que passivement, qu'il soit brûlé entièrement. »; Chapitre 10 : « Si quelqu'un a subi une première fois le crime sodomite et qu'il l'a caché, s'il s'est laissé souillé une seconde fois et qu'il ne l'a pas exposé à la justice, là où cela a été reconnu, qu'il soit jugé comme Sodomite. »; Chapitre 11 : « Si quelque Sodomite, avant d'être accusé, s'est repenti, et que, conduit par la pénitence, il a renoncé par serment à cet abominable dérèglement, qu'il soit reçu dans l'Église et jugé selon la sentence des Canons. Mais s'il est retombé de nouveau dans ce [dérèglement], et qu'il veut de nouveau faire pénitence, qu'il soit, certes, admis à la pénitence, mais qu'il soit banni du Royaume de Jérusalem[4].»
Lors du troisième concile du Latran, à Rome, en Italie, en 1179, on rencontre pour la première fois la phrase qui désignera, dans les documents ultérieurs, l'homosexualité, en lien avec la destruction de Sodome : Canon 11 : « (...) Ceux que l'on reconnaîtra souffrir de cette incontinence qui est contre nature, à cause de laquelle la colère de Dieu vient sur les fils de la défiance et a consumé les villes par le feu, seront, s'ils étaient clercs, chassés du clergé et réduits à faire pénitence dans les monastères; S'ils sont laïcs, qu'ils soient soumis à l'excommunication, et qu'ils soient retranchés de l'assemblée des fidèles[5] ».
Le quatrième concile du Latran, en 1215, émet un canon, le 14e, qui concerne la question de l'incontinence des clercs en général. Ce canon vise à améliorer leur chasteté et leur enjoint de se garder de tout vice du désir déréglé (ab omni libidinis vitio) et « particulièrement, de celui à cause duquel la colère de Dieu vient du ciel sur les fils de la défiance ». Les clercs ayant été suspendus pour leur incontinence et ayant célébré, en dépit de cela, le saint sacrifice de la messe, devront être privés de tout bénéfice ecclésiastique et déposés perpétuellement[6].
La lecture de ces canons montre donc que le péché de sodomie était puni de façon très sévère :
- le clerc était suspendu de son office, chassé du clergé, exilé ou enfermé dans un monastère ;
- le laïc était excommunié, c'est-à-dire qu'il ne pouvait plus recevoir de sacrements (excommunication mineure) et/ou était privé de sépulture en terre bénie et de tout contact avec les autres fidèles catholiques (excommunication mineure)[7]. Le plus ancien canon maintenait les mesures antérieures de châtiment corporel et d'humiliation.
Les pénitentiels médiévaux latins[modifier]
Nous nous limiterons à deux exemples : le pénitentiel de Colomban de Luxeuil et celui de Burchard de Worms. Le péché de sodomie est classé parmi les péchés les plus graves, aux côtés de l'homicide. Il est punissable d'une pénitence de trois à dix ans. Le clerc ou le moine qui s'est livré à ce péché doit subir humiliation, emprisonnement et relégation temporaire.
Colomban de Luxeuil[modifier]
Colomban de Luxeuil (540-615) est un moine missionnaire irlandais qui a participé au renouvellement du christianisme en Gaule, en Germanie, en Helvétie et en Italie. On peut citer notamment la fondation, en 590 du Luxeuil-les-Bains dans la Haute-Saône.
- « Si quelqu'un a commis de fait un péché parmi les péchés les plus importants, s'il a commis un homicide ou le péché de sodomie, qu'il fasse pénitence pendant 10 ans, si un moine a forniqué seulement une seule fois, qu'il fasse pénitence pendant 3 ans, si cela était plus souvent, pendant 7 ans (...) »; (...)[8]. »
- « Si quelqu'un a forniqué comme l'ont fait les Sodomites, qu'il fasse pénitence pendant 10 ans, trois au pain et à l'eau, et pendant les 7 autres, qu'il s'abstienne de vin et de viande, et qu'il ne reste jamais plus au même endroit que l'autre (son partenaire) pour toujours[9]. »
- « Si un laïc a vraiment forniqué selon la manière sodomite, c'est-à-dire s'il a péché avec un homme à l'exemple du coït avec une femme, qu'il fasse pénitence pendant 7 ans, les trois premières années au pain, à l'eau, au sel et aux fruits secs du jardin, les quatre années restantes, qu'il s'abstienne de vin et de viandes et ainsi que sa faute soit effacée, que le prêtre prie pour lui et ainsi qu'il soit relié à l'autel[10]. »
Le décret de Burchard de Worms[modifier]
Burchard de Worms (v. 965-1025), fut évêque de Worms et auteur d'un recueil de droit canonique en vingt volumes, le Collectarium canonum ou Decretum.
- « (Extrait du Pénitentiel de Théodore) Une femme forniquant par quelque moyen, soit avec elle-même, soit avec une autre, qu'elle fasse pénitence pendant trois ans[11]. »
- « (Extrait du même pénitentiel) Si une religieuse a forniqué avec une autre religieuse à l'aide de quelque instrument, qu'elles fassent pénitence pendant sept ans[12]. »
- « (Extrait du concile d'Ancyre, chapitre 8) Une femme, si elle a forniqué avec une autre femme, qu'elle fasse pénitence pendant trois ans. Et celle qui mélange le sperme de son mari à sa nourriture, pour recevoir par là plus d'amour, qu'elle fasse pénitence de même[13]. »
- « (Extrait du Pénitentiel de Théodore) Celui qui a forniqué comme un Sodomite, s'il est esclave, et s'il a été châtié par le balai, qu'il fasse pénitence pendant deux ans, s'il est libre et marié, dix ans, s'il est un simple particulier, sept ans. Le laïc marié, s'il a une telle habitude, qu'il fasse pénitence quinze ans. S'il est dans les ordres, et s'il a une telle habitude, qu'il soit dégradé de manière à ce qu'il fasse pénitence comme un laïc. Celui qui, d'autre part, a forniqué avec un frère naturel, à cause d'un si sale mélange, qu'il s'abstienne de toute viande, et qu'il fasse pénitence pendant quinze ans, et s'il est clerc, il doit être, en plus, chassé[14]. »
- « (Extrait des dits de Basile) Un clerc ou un moine ayant poursuivi sans relâche des hommes jeunes ou des plus jeunes encore, et qui aura été surpris lors d'un baiser ou de tout autre occasion honteuse, qu'ils soit battu de verge publiquement, qu'il laisse sa couronne à l'abandon et tondu honteusement, qu'il soit couvert de crachats au visage, et qu'il soit tourmenté pendant six mois par l'angoisse de la prison, attaché par des liens de fer, et qu'il soit restauré de pain d'orge trois jours par semaine, le soir. Après cela passant six autres mois dans un petit endroit séparé sous la garde spirituelle de plus âgés, qu'il s'applique à des œuvres manuelles et à la prière, soumis aux veilles et aux larmes et qu'il marche sous la garde constante de deux frères spirituels, sans avoir de conversation privée et à son tour il devra être lié à de jeunes gens par le conseil[15]. »
La règle monastique bénédictine[modifier]
La règle monastique de Benoît de Nursie, fondateur du monachisme bénédictin, a commencé d'être rédigée vers 540. Elle ne fait pas directement allusion aux pratiques homosexuelles mais fait en sorte qu'elles soient évitées au sein du monastère[16].
Le décret de Gratien[modifier]
Gratien naquit à Chiusi en Toscane. Il fut un moine savant bénédictin du couvent de Saint-Félix, à Bologne (Émilie-Romagne actuelle, Italie)[17]. Il entreprit en 1127 une nouvelle collection des canons de l'Église latine qu'il intitula : Concordia discordantium canonum (« Concorde des canons discordants »), plus connue sous le nom de Decretum Gratiani (« Décret de Gratien »). Son travail fut publié en 1141. Le décret de Gratien devint le fondement du droit canonique, et ce pour huit siècles, jusqu'en 1917, date de promulgation du Code de droit canonique. Concernant le thème de la sodomie, Gratien se réfère à Ambroise de Milan, Augustin d'Hippone, ou Jérôme de Stridon, dit Saint Jérôme. L'idée principale est que « les actions déshonorantes contre nature sont reconnues comme plus graves[18] », plus graves même que la fornication et l'adultère[19] : Gratien classe la sodomie avec l'inceste, la fornication, la bestialité, dont la pénitence est encadrée « par un laps de temps de sept années »[20].
Le code de droit canonique catholique romain de 1917[modifier]
Le Code de droit canonique de l'Église catholique romaine a été promulgué par le pape Benoît XV en 1917 et a été appliqué jusqu’en 1983. Concernant les laïcs, il précise au canon no 2357. §. 1 : « Les laïcs légitimement condamnés pour des délits contre le sixième commandement, commis avec des mineurs de moins de seize ans, ou pour viol, sodomie, inceste, excitation à la prostitution, sont infâmes par le fait même, en plus des autres peines que l’Ordinaire jugera à propos de leur infliger[21] ». Concernant les clercs, le code note au canon no 2359. §.2 : « S’ils ont commis un délit contre le sixième commandement avec des mineurs de moins de seize ans, ou pratiqué adultère, viol, bestialité, sodomie, excitation à la prostitution ou inceste avec ses consanguins ou alliés au premier degré, ils doivent être suspendus, déclarés infâmes, privés de tout offices, bénéfice, dignité ou charge qu’ils pourraient avoir, et dans les cas les plus graves ils doivent être déposés[22] ».
La dite « peine de l’infamie » était extrêmement grave, puisqu’elle consistait en la « perte totale ou partielle de la bonne réputation auprès des honnêtes gens » et comportait l’interdiction d’exercer des charges ecclésiastiques et de remplir des fonctions de confiance comme celle de « parrain au baptême et à la confirmation » ou « d’arbitre »[23].
Article connexe[modifier]
Notes et références[modifier]
- ↑ D. Augusto Neandro, Bibliotheca ecclesiastica, Vol. I, « Canones Apostolorum et Conciliorum veterum selecti, sæculorum IV, V, VI, VII », pars prior, Berlin, 1839, p. 23-24. Ouvrage en ligne.
- ↑ Philippe Labbe, Gabriel Cossart, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, Tome 19, / in qua præter ea quæ Philippus Labbeus et Gabrielus Cossartius ; et novissime Nicolaus Coleti in lucem edidere, ea omnia insupar suis in locis optime disposita exhibentur, quæ Joannes Dominicus Mansi... ; ed. novissima ab eodem patre Mansi, potissimum favorem etiam et opem præstante emmo cardinali Dominico Passioneo... aliisque item eruditissimis viris manus auxiliatrices ferentibus, curata..., H. Welter (Paris) et A. Zatta (Florence), 1774, col. 736 ff. Ouvrage en ligne.
- ↑ Karl Joseph von Hefele, Histoire des conciles d'après les documents originaux, T.7, Paris, Adrien Le Clere, 1872, p. 78-80.
- ↑ Christian de Wulf, Ad Ephesium concilium variorum patrum epistolæ, H. Nempæus, Louvain, 1682, p. 485. Texte en ligne.
- ↑ « Decretales Gregorii IX (Extravagantium Liber) », X. 5,31,4 in Decretalium Collectiones, Editio Lipsiensis Secunda: ed.Æmilius Friedberg, Leipzig, 1879, p. 836 et Karl Joseph von Hefele, Histoire des conciles d'après les documents originaux, T.7, Paris, Adrien Le Clere, 1872, p. 504-505.
- ↑ « Decretales Gregorii IX (Extravagantium Liber) », X.3,1,13 in Decretalium Collectiones, Editio Lipsiensis Secunda: ed.Æmilius Friedberg, Leipzig, 1879, p. 452 et Karl Joseph von Hefele, Histoire des conciles d'après les documents originaux, T.8, Paris, Adrien Le Clere, 1872, p. 130-131.
- ↑ Article Excommunication.
- ↑ Colomban de Luxeuil, De Pœnitentiarum Mensura Taxanda Liber, Partie A, §.3.
- ↑ Colomban de Luxeuil, De Pœnitentiarum Mensura Taxanda Liber, Partie A, §.15.
- ↑ Colomban de Luxeuil, De Pœnitentiarum Mensura Taxanda Liber, Partie B, §.15.
- ↑ Burchard de Worms, Décret, Livre XVII, « De la fornication », chap. XXVII.
- ↑ Burchard de Worms, Décret, Livre XVII, « De la fornication », chap. XXVIII.
- ↑ Burchard de Worms, Décret, Livre XVII, « De la fornication », chap. XXIX.
- ↑ Burchard de Worms, Décret, Livre XVII, « De la fornication », chap. XXXIV.
- ↑ Burchard de Worms, Décret, Livre XVII, « De la fornication », chap. XXXV.
- ↑ Benoît de Nursie, Regula Sancti Benedicti, chapitre XXII : « Comment doivent dormir les moines. 1. Que chacun dorme sur son propre lit (...). 4. Qu'une lampe brûle en chaque dortoir jusqu'au matin. 5. Qu'ils dorment habillés ceints d'une ceinture ou d'une corde (...). (...) 7. Que les frères les plus jeunes n'aient pas leurs lits les uns contre les autres mais qu'ils alternent avec ceux des plus vieux ».
- ↑ Mgr André, Abbé Condis, Chanoine J. Wagner (révision), Dictionnaire de droit canonique et des sciences en connexion avec le droit canon, T. 1 (A-D), Walzer, Paris, 1894, p. 688-689.
- ↑ Gratien, Décret, Partie II, Cause XXXII, Question 7, Canon 13.
- ↑ Gratien, Décret, Partie II, Cause XXXII, Question 7, Canon 14.
- ↑ Gratien, Décret, Partie II, Cause XXXIII, Question 2, Canon 11.
- ↑ Code de droit canonique, 1917 : « Laici legitime damnati ob delicta contra sextum cum minoribus infra ætatem sexdecim annorum commissa, vel ob stuprum, sodomiam, incestum, lenocinium, ipso facto infames sunt, præter alias pœnas quas Ordinarius infligendas iudicaverit ». Voir la version française en ligne.
- ↑ Code de droit canonique, 1917 : « Si delictum admiserint contra sextum decalogi præceptum cum minoribus infra ætatem sexdecim annorum, vel adulterium, stuprum, bestialitatem, sodomiam, lenocinium, incestum cum consanguineis aut affinibus in primo gradu exercuerint, suspendantur, infames declarentur, quolibet officio, beneficio, dignitate, munere, si quod habeant, priventur, et in casibus gravioribus deponantur ». Voir la version française en ligne.
- ↑ Antoine Villien, Étienne Magnin, A. Amanieu, R. Naz, Dictionnaire de Droit Canonique : contenant tous les termes du droit canonique, avec un sommaire de l'histoire et des institutions et de l'état actuel de la discipline, vol. 5, Letouzey et Ané, 1935, col. 1358-1359.
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