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Dane (artiste)

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Dane est un artiste plasticien, représentant le mouvement néo-essentialiste. Il est né 27 octobre 1941 et a passé sa jeunesse à Angers.

Biographie[modifier]

Après quelques études laïques, républicaines et obligatoires, en 1958 Dane s’inscrit à l’Ecole départementale des Beaux-Arts d’Angers. Le feu sacré est là, mais il couve encore sous la cendre. Après avoir quitté l’appartement familial – et des parents qui, à tout le moins, étaient quelque peu « déjantés » – il fait son Service militaire comme cartographe à l’état-major, à Versailles. Il évite de peu la guerre d’Algérie… Paris est là, enfin, à portée de main. Il va s’y jeter à corps perdu, arpentant ses rues, ses bistrots et ses ateliers divers et variés. A l’aube des années 1960, il habite Montparnasse, louvoie entre le Sélect, la Coupole et le Rosebud, hauts-lieux du quartier. Copain avec tout le monde, il fréquente des journalistes, des peintres en devenir… « J’étais comme un ange annonciateur, planant dans mes 24 ans, peintre bohème, fou et généreux comme dans les livres, avec la mouise parnassienne en bandoulière ; standing éclectique, belle gueule et élégante décontraction. », écrit-il dans un livre autobiographique, Les gens vont et viennent… mais c’est pas d’l’amour ! .

Il fait mille et un petits boulots, de l’alimentaire dans les assurances à des choses plus sérieuses dans la décoration d’appartement. On le rencontre parfois dans un studio de dessin, du côté de la rue d’Alésia. Les amis, les amours et les « emm.. » vont façonner Dane et donner naissance à cette pensée touffue, absconse, mais qui recèle des fulgurances qui méritent d’être mieux connues et qu’il a nommé le « néo-essentialisme ».

Il habite aussi le très chic Saint-Germain-des-prés puis le quartier Mouffetard : « A la Mouff, j’ai rencontré tous les types de situations et de personnages qui satisfaisaient à ma soif de poésie, de bohème, de rébellion, de dérision, de bordel zoologique et d’aventure. Ça débordait même un peu ! La différence avec Saint-Germain tenait essentiellement à une certaine vie de quartier plus chaleureuse, moins précipitée[1] », écrit-il.

Dès qu’il le peut, Dane peint. En mai 68, il avait fait quelques photos, mais n’avait pas l’âme d’un reporter. Cela reste en revanche pour lui un art majeur, qu’il pratique comme il fait par ailleurs de la sculpture. Il lit, aussi, et il écrit. Il voyage : la France, les pays limitrophes (Angleterre, Espagne), Majorque, Formentera…

Parcours pictural[modifier]

Les œuvres de jeunesse, dont beaucoup ont été perdues ou données, constituent ce qu’il convient d’appeler une « première période ». Parfois figuratives mais déformées à la façon de Francis Bacon (une révélation, ainsi que Dane le raconte dans son livre), sagement colorées, elles témoignent de la naissance d’une œuvre qui prendra, avec les années, davantage de densité et de profondeur. Cela résulte non seulement de la réflexion, mais aussi de l’expérience que Dane s’est forgée au fil du temps. Il expose, notamment au Salon de la Jeune Peinture, et dans divers lieux, maisons de la Culture (établissements publics) et galeries privées, tant à Paris qu’en province.

Dans les années 1970, s’ouvre une deuxième période : Dane devient « peintre de rues ». Le hasard des rencontres et des opportunités le conduit à réaliser des fresques et il ira en peindre jusqu’à Cuba. Mais la plupart sont faites en France. Avec un ami, il travaille pour des comités d’entreprise, sur des murs de lycées ou de collectivités locales. « Comme on était un peu coco, on allait peindre dans les fêtes du Parti [communiste, ndlr]. On a fini par monter un groupe de peintres muralistes, Groupesygn, c’était tendance ! », écrit-il.

L’une de ces œuvres a été réalisée en 1989 rue de l’Hôtel-Dieu, à Argenteuil. Hélas, des travaux de ravalement et d’étanchéité ont dû être entrepris par les propriétaires de l’immeuble et la fresque a été recouverte en mai 2021. Toutefois, les propriétaires de l’immeuble en ont averti Dane, lui proposant de réaliser au même endroit, une nouvelle fresque, une fois les travaux achevés.

Depuis toujours, Dane a beaucoup lu et écrit. Mais dans les années 1980, « la réflexion crée le larron », écrit-il. Il peint, et théorise beaucoup. C’est, entre autres, le fait d’avoir son propre atelier, à Saint-Ouen, qui lui permet cette liberté. Liberté également acquise par le fait qu’il donne régulièrement des cours de dessin et de peinture dans une école de Beaux-Arts à Saint-Ouen, ce qui le libère de quelques nécessités vitales comme la quête incessante de « vrais boulots » pour vivre et non simplement survivre.

Dane expose. Il lui arrive même de participer, de loin, à divers mouvements picturaux. A la fin des années 1980, il expose en une occasion avec le mouvement Art-Cloche, un vaste rassemblement d’artistes installé dans un squat du 18ème arrondissement de Paris et travaillant essentiellement avec et sur des matériaux de récupération. Il rédige, en marge de ce mouvement, un article sur le sponsoring artistique.  A cette époque, Dane travaille dans son propre local, un atelier de la Ville de Paris dans le 13ème arrondissement. Parallèlement, il reste enseignant aux Beaux-Arts à Saint-Ouen, dont il garde la direction jusqu’en 2007.

Quand il abandonnera l’enseignement, ce sera pour se consacrer uniquement à son art, qu’il va développer d’une façon magistrale. Il a alors deux grands ateliers, l’un à Saint-Ouen et l’autre à Paris. Son déménagement pour un village du Gard lui permet cependant de conserver un grand et bel atelier lui permettant d’avoir l’espace idéal pour s’exprimer. C’est le point de départ d’une troisième période, celle du néo-essentialisme.

La réflexion qu’il a menée tout au long de sa vie et de sa carrière s’est exprimée dans ses œuvres et dans des écrits dont Dane dit qu’ils constituent « trente-quatre classeurs » ! Il finit cependant par mettre au point sa théorie, qu’il exprime dans plusieurs ouvrages, dont le fondateur est intitulé Manifeste néo-essentialiste. Ce mouvement, dont il est auteur, s’inscrit comme une illustration de sa recherche, laquelle est profondément liée à une projection réflexive et poétique de sa philosophie individuelle.

Le néo-essentialisme[modifier]

Le travail de Dane, tant pictural que sculptural, est le fruit de sa méditation sur le vivant et sur les énergies qui lui permettent à celui-ci d'exprimer ses stratégies de création permanente mises en œuvre pour arracher un peu d'ordre au chaos, donner du sens au hasard et à la nécessité.

C'est à partir d’une formule d’André Breton, le « pape » du surréalisme : « Je crois à la résolution future de ces deux états, en apparence si contradictoires, que sont le rêve et la réalité[2] » que Dane a centré son travail de recherche, qui a abouti à sa conception dite néo-essentialiste exprimée par son œuvre.

L'artiste déclare : « Ma peinture est en quête et enquête permanente de l'essence des choses et des êtres, des forces qui les relient, les agitent et les transforment. La connaissance intuitive qui nous les révèle est le moteur spirituel du vitalisme et de l'évolution de ma création. De l'infiniment grand jusqu'à l'infiniment petit, cette quête m’entraine dans un monde où rien n'est jamais réellement ce que l'on touche des yeux et de l'esprit, mais bien plus la fulgurance d'un "événement" et son écho dans l'espace-temps de nos sensations. »

Image et poésie seraient une assez bonne définition, s'il en fallait, de la célébration, à travers ses toiles, de toutes les résonances de ce "cœur" que la raison semblerait ignorer. À travers une figuration aléatoire, Dane, "guetteur de choses" dans les échauguettes de la création, nous transmet ses rencontres arrachées à l'indicible mais vrai, ce qu'il appelle avec un sourire « la nature des choses ».

Théorie du néo-essentialisme[modifier]

Entre désir de revenir aux « Lumières » qui ont éclairé la pensée au sortir d’années d’obscurantisme, et envie de replacer l’homme dans sa juste proportion par rapport au monde qui l’entoure, le néo-essentialisme a pour objectif de raviver l’imaginaire et le pouvoir créatif afin d’échapper au repli sur soi, voire au communautarisme étouffant qui stérilise la civilisation occidentale. Son « élasticité » intellectuelle lui permet d’agréger différents concepts sans pour autant les « piéger » dans un système. « Nous replaçons la pensée dans son espace naturel de respiration », écrit Dane dans son Manifeste néo-essentialiste, c’est-à-dire dans un espace-temps qui peut conduire à un paradoxe tel que : « J’aimerais que tous les hommes soient aussi heureux que moi… C’est ce qui me rend malheureux. »

Pour un artiste néo-essentialiste, ce sont les choses qui sont la préoccupation principale car elles vivent indépendamment de ce que les hommes pensent d’elles, et de l’amour qu’ils leur portent. Les hommes n’éclairent pas les choses de leur propre importance, elles vivent une vie indépendante, autonome et distincte. C’est ce qui les rend d’ailleurs séduisantes et dignes d’amour. Elles ont une vie et une valeur intrinsèques, elles se déplacent, se groupent ou se séparent de façon aléatoire et par leur seule volonté. Elles sont comme des comètes que l’on voudrait attraper par la queue, domestiquer dans un amour humain et grotesque alors qu’elles demeurent hors de portée.  Elles ne se révèlent que dans des moments et des espaces privilégiés. Alors, en leur préparant un lieu susceptible de les laisser évoluer à leur gré, l’artiste peut tenter de les apprivoiser. S’il prend soin de les approcher avec douceur, il pourra retenir une parcelle de ces choses vivantes, et participer à leur lumière.

Après Auschwitz, il n’a plus été possible de penser le monde de la même manière. Nombre d’intellectuels, de philosophes et de sociologues, de Lévi-Strauss à Foucault, d’Edgar Morin à Pierre Bourdieu etc. se sont investis dans une réflexion globale à propos de notre société contemporaine. Dans le domaine des arts plastiques, Marcel Duchamp ou Joseph Beuys ont répondu à des questions existentielles concernant la démarche intellectuelle des artistes. Mais nous nageons toujours à grandes brassées dans une crise de la culture, qui semble toucher l’ensemble de la civilisation occidentale. Nous ne savons plus où donner de la tête, sauf à anéantir tout ce qui existait avant nous-même, ou à changer de paradigme.

Cependant, il ne faudrait pas confondre individualisme et individuation. L’individuation vue par Krisnamurti, qu’il expose dans Se libérer du connu[3] n’est pas identique à celle vue par Cornelius Castoriadis dans Les carrefours du labyrinthe[2], ni à celle de Michel Onfray[3] dans La sculpture de soi. Ces « oracles » nous annoncent, après Annah Arendt, la fin du grand récit, ce que le néo-essentialiste ne nie pas mais remplace plutôt par l’émergence du « grand livre comptable », tout en s’interrogeant sur le fait que « Dieu étant mort », l’être humain pourrait bien être tenté de prendre sa place.

La connaissance qui est la nôtre aujourd’hui en matière scientifique, technique, sociologique et psychologique nous permet de construire à partir d’un socle de créativité libéré du déterminisme que constituent les lois du marché de l’art et l’art dit officiel. Le néo-essentialiste a la capacité de s’affranchir de l’éducation artistique telle qu’elle est dispensée par les institutions républicaines, incapables – à son sens – de se détacher de ce que Dane nomme les « manipulations constituant l’art contemporain en place depuis les années 1980 » et qui ont créé un vide vertigineux dans lequel sombrent tous ceux qui produisent de la culture comme d’autres produisent des voitures : à la chaîne.

L’artiste néo-essentialiste pense qu’il est bon pour l’espèce humaine de reconnaître que sa propre essence est indissociable de son intelligence et que c’est cette dernière qui induit son évolution, donc sa capacité à produire ce qui va constituer son futur. Pour se réconcilier avec cette essence ontologique, il faut évacuer d’urgence tout ce qui constitue un frein à son développement : la manipulation, l’instrumentalisation, la rétention d’information, mais aussi l’enrégimentement. Tous ces grands mots – grands maux – qui dissimulent en réalité les volontés de pouvoir, de puissance et de séduction des grands prédateurs, qu’ils soient politiques ou économiques. Et la lutte est dure car ces derniers emploient une grande énergie à délivrer nombre de messages qui viennent parasiter toute velléité de se rebeller, de s’affranchir de la pensée unique.

L’artiste néo-essentialiste, dans son œuvre picturale ou sculpturale, s’emploie à redonner ses lettres de noblesse à l’individu, à affirmer que l’essence de l’homme est son appartenance à l’espèce humaine doublée d’une capacité à se dégager des cadres dans lesquels il subit l’éducation, les lois et les règles qui rétrécissent son espace de liberté et, par conséquent, sa capacité à faire fonctionner son esprit d’analyse et sa faculté de juger. L’habitus auquel il est soumis annihile son imagination, qui est la voie royale qu’il emprunte pour créer son propre cheminement dans la compréhension de tous les phénomènes qui habitent son environnement. C’est ce que l’on appelle l’individuation.

Cette individuation induit un imaginaire en condition de créer de nouvelles façons d’appréhender le monde, et donc la capacité de se projeter dans l’avenir avec de nouveaux outils et un irremplaçable désir d’harmonie.

Non, le néo-essentialisme ne se brûlera pas les ailes au feu de l’existentialisme, ni à celui de l’essentialisme. Il n’ignore rien des sciences humaines : biologie, sociologie, histoire, psychologie etc. qui, à travers procès et progrès, viennent éclairer nombre de questions fondamentales ontologiques et donc ouvrir un espace dans l’interprétation du rêve humain dont l’objectif est de comprendre enfin, et de maîtriser, sa propre évolution.

La plupart des hommes se pensent libres car les barreaux de leur cage sont invisibles, virtuels. Comme a dit Spinoza : « Les hommes se croient libres pour cette seule cause qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par où ils sont déterminés[4]. » Une réflexion qui date de 1677, mais fait toujours écho. Ainsi Cornélius Castoriadis écrit :

On a abondamment répété, depuis quarante ans, qu’il n’y a pas de nature humaine ou d’essence de l’homme ! Cette constatation négative est tout-à-fait insuffisante. La nature ou l’essence de l’homme est précisément cette « capacité », cette « possibilité » au sens actif, positif, non prédéterminé de faire être des formes autres d’existence sociale ou individuelle, comme on le voit abondamment, en considérant l’altérité des institutions de la société, des langues ou des œuvres. Cela veut dire qu’il y a bel et bien une nature ou essence de l’homme, définie par cette spécificité centrale, la création, à la manière et le mode selon lesquels l’homme crée et s’auto-crée. Et cette création, constatation en apparence banale mais décisive, et dont on ne finit pas de dérouler les conséquences, n’est pas terminée, en aucun sens du terme[5].

La dialectique est d’importance : y a-t-il, ou non, une essence de l’homme ? Tout est paradoxe : l’espace-temps nous fait prendre conscience du chaos originel et nous comprenons donc combien âpre est la lutte pour arracher un peu d’ordre et de sens, jusqu’au lendemain, où tout est à recommencer.

La création telle que pensée par le néo-essentialiste est l’arme au service de sa propre philosophie, et son imaginaire est la boîte à outils lui permettant d’explorer toutes les possibilités qui s’offrent à lui pour échapper à cette sorte d’encéphalogramme plat qui le menace, qui lui est proposé par ses producteurs, dont le ressassement intellectuel paresseux lui semble être le summum du néant ; par l’indigence des sponsors et mécènes qui construisent, à l’aide des politiques, une société structurée par le cynisme et le mensonge érigés en moyen de promotion de l’ordre social.

L’artiste néo-essentialiste est un rebelle. Des millénaires après que l’humain a commencé à penser, donc à se civiliser et à philosopher, les comportement individuels et sociétaux n’ont pas changé. Il y a toujours autant de guerres, de misère, de mensonges, d’abandons petits et grands, de crimes contre l’humanité, de pouvoirs arrogants et corrompus, de lâchetés etc. Il faut donc refaire sans cesse une critique générale et philosophique de la crise de la culture.

Côté politique culturelle, l’art n’est pas enfermé dans la désignation banalisée « art contemporain » tel que défini à partir des années 1980 par le ministère français de la Culture et mis en place grâce au maillage des organismes institutionnels et leurs musées. Cette politique a transformé le champ exploratoire ouvert qu’est la création. L’art plastique s’est donc retrouvé dans le rôle de la citadelle assiégée, menacé d’une dérive asséchante vers l’art officiel et influençant en cela l’éducation artistique. Sans parler de la réaction suiviste du marché privé, constitué par les galeries spécialisées et de nombreuses fondations.

Il suffit de regarder les titres des livres parus à cette époque pour s’en convaincre : après Asphyxiante culture, par Jean Dubuffet (Éditions du Seuil, Paris, 1968) qui fait figure de précurseur, il y a eu le pamphlet de Marie-Christine Hugonot De l’art ou du cochon (Éditions Régine Deforges, collection « Coup de gueule », Paris, 1990) ; puis La comédie de la culture, de Michel Schneider (Éditions du Seuil, Paris, 1993) ; Des artistes sans art, le petit ouvrage de Jean-Philippe Domecq (paru sous forme d’article dans la revue Esprit en 1990, puis sous forme de livre aux éditions 10/18 en 1994) ; Modernité modernité, par Henri Meschonnic (Éditions Gallimard, Paris, 1994) ; La castration mentale, de Bernard Noël, (Éditions P.O.L, Paris, 1997) ; Un art de fonctionnaire, le 1 % : introduction aux catégories esthétiques de l’État, d’Yves Aguilar (Éditions Jacqueline Chambon, Paris, 1998) ; et enfin Le Gouvernement de la culture, un essai de Maryvonne de Saint-Pulgent (Éditions Gallimard, collection « le Débat », Paris, 1999).

Citons également l’article de Jean Baudrillard dans le quotidien Libération du 20 mai 1996, intitulé « Le complot dans l’art ». Dans ce papier au vitriol, Baudrillard affirme que l’art en train de jouer de sa propre disparition et de celle de son objet pouvait encore passer pour un « grand-œuvre », au sens alchimique du terme, c’est-à-dire pour un début de transformation. Mais l’art jouant à se recycler indéfiniment en faisant main basse sur la réalité n’est plus de l’art. Pourtant, la majeure partie de ce qui s’appelle « l’art contemporain » s’emploie exactement à cela, et l’érige en valeur et même au rang d’idéologie. Dans les innombrables installations et autres performances qui ont fleuri au début des années 1990, il n’y avait qu’un jeu de compromis avec l’état des choses, en même temps qu’avec toutes les formes passées de l’histoire de l’art. Un aveu « d’inoriginalité », en quelque sorte, de banalité, de nullité érigée en valeur, voire en jouissance esthétique perverse. Bien sûr, poursuit Baudrillard, toute cette médiocrité prétend se sublimer en un art second et ironique. Mais hélas, c’est tout aussi nul et insignifiant au second degré qu’au premier. Le passage au niveau esthétique ne sauve rien non plus, bien au contraire : la médiocrité passe à la puissance deux. Cela s’affirme nul, clame même : « je suis nul ! je suis nul ! » et… c’est vraiment nul.

Comme le disait Pierre Bourdieu :

Les conditionnements associés à une classe particulière de conditions d’existence produisent des habitus, systèmes de dispositions durables et transposables, structures structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes, c’est-à-dire en tant que principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations qui peuvent être objectivement adaptées à leur but sans supposer la visée consciente de fins et la maîtrise expresse des opérations nécessaires pour les atteindre, objectivement « réglées » et « régulières » sans être en rien le produit de l’obéissance à des règles et, étant tout cela, collectivement orchestrées sans être le produit de l’action organisatrice d’un chef d’orchestre[6].

On peut également citer, pour illustrer notre propos, un petit texte de Michel Onfray :

Nous sommes inscrits dans un cosmos qui nous dicte sa loi comme au restant de l’univers. Il a fallu croire que l’homme était le sommet de la création pour imaginer qu’il disposait d’un statut d’extraterritorialité ontologique lui permettant de croire, faussement, que ce qui concernait le vivant ne le concernait pas, lui, de la même manière ; une partie de l’histoire de la philosophie a tenté de justifier cette extraterritorialité… les idéalistes, les spiritualistes, les dualistes, les chrétiens. Une autre partie de l’histoire a bien dit et vu que le réel était un et non double, qu’il était matériel et non animé par de l’invisible, que le libre-arbitre était une fiction, que la possibilité de vouloir, de choisir relevait d’un désir, d’un fantasme, mais certainement pas de la réalité.

Chaque homme est une quantité négligeable dans l’univers, certes, c’est donc entendu, mais chaque homme s’avère également une exception unique, une configuration définitivement inédite, une singularité sans aucune duplication possible dans le temps et dans l’espace, une chance de vie et de force, de puissance et d’énergie. Cette occurrence fragile et vraie, improbable mais réelle qu’est toute existence mérite que nous soyons subjugués et que ce sentiment d’étonnement radical naisse de l’expérience du sublime[7].

La « méthode » de Dane pour recouvrir une toile[modifier]

D’abord, créer un chaos sur une surface innocente… Les CHOSES, comme nous, naissent du chaos mais détestent y rester, ne peuvent s’y exprimer. Ce chaos devra rester souple, sans contraction de temps ou de matière, d’une grande fluidité. Un chaos de bon aloi, où les CHOSES vont se ressentir dans leur nécessité ; toute une alchimie ! Préparation sensible qui, dès la naissance des choses, va devenir leur aire éphémère dont elles deviendront anxieuses de s’échapper, de s’envoler pour s’exprimer ; il faut progressivement organiser ce chaos, creuser quelques espaces accueillants, aires de repos, lignes de réfraction de chaleur, cheminement, un éclairage propice, comme une aube naissante.

La palette doit rester dans une sagesse généreuse, juste quelques petits pièges amicaux, quasiment malicieux, sans conséquences ; alors vous sentez que l’espace est prêt, la toile s’éclaire, le monde est ouvert…la toile lance son appel

Chut ! Une « Chose » apparaît, vous la suivez, l’espace devient mythique, vous essaierez de l’entourer, de cadrer… NON ! Laissez là s’émanciper ! Ce n’est pas là que vous l’attendiez ? Qu’importe. Elle n’a pas la forme que vous envisagiez ? On verra. Ce n’est pas celle que vous appeliez ? Quelle chance ! Celle-ci a reconnu d’elle-même son espace-temps, vous n’avez plus qu’à suivre ses évolutions, son inscription miraculeuse, déplacement de lignes de force, transport de tension, tissages de particules maîtrisant des surfaces revisitées.

Accompagnez-la, toujours à la limite extrême de la fièvre qui vous emporte dangereusement à vouloir la piéger, la circonvenir, et ceci jusqu’à l’embrasement final !

Qui peut marquer sa disparition… Plus un geste. Elle est « passée ». La toile reste, qui en est la preuve. Rêve insensé… réalité aléatoire. Les enfants et les « CHOSES » ne seront plus jetés au Styx de nos vérités pour ne plus en remonter. Oui, les « CHOSES » acceptent, peut-être qu’on les traque dans l’unique but d’en partager l’esprit.


[1] Les gens vont et viennent… mais c’est pas d’l’amour ! Dane, (Luxuriamaldone Editions, juin 2006)

Notes et références[modifier]

  1. luxuriamaldone, les gens vont et viennent....mais c'est pas d'l'amour !, (lire en ligne).
  2. Dane Dane, Manifeste néo-essentialiste, (lire en ligne)
  3. Paul Yonnet, « Libérer le sexe pour se libérer du sexe », Le Débat, vol. 112, no 5,‎ , p. 204 (ISSN 0246-2346 et 2111-4587, DOI 10.3917/deba.112.0204, lire en ligne, consulté le 16 septembre 2021)

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