Application de la pensée complexe à la naissance du vivant
|id=Suty2014L’application de la pensée complexe à la naissance du vivant expose les mécanismes qui régissent la Terre et la Vie. La nature opère par combinaisons pièces à pièces d’interactions myopes[1]. L’ordre surgit du désordre. Les antagonismes sont régulés par le jeu des interactions et des rétroactions. L’autorégulation qui en résulte est nommée auto-organisation car elle se réalise de façon spontanée sans intervention ni finalité. Au cours de l’évolution émergent des entités nouvelles, source de diversité. Elles sont le fruit de mutualismes, de fusions et de mutations. Les changements de l’environnement entraînent également des adaptations du vivant. La diversité en est accrue.
L’application de la pensée complexe met en évidence les éléments qui fondent cette pensée et apparaissent dans tout système complexe. Ce sont les inter-rétroactions, les antagonismes, l’auto-organisation, l’importance de l’environnement ainsi que la diversité, le désordre, les émergences et la complexité.
Ordre et désordre[modifier]
La formation d’atomes[modifier]
Le désordre et l’ordre se manifestent dès la naissance de la Terre. L’univers est né dans l’extrême chaleur. La chaleur comporte en elle du désordre : agitation, turbulence, dispersion. Elle est antagoniste du froid. Le froid crée de l’ordre par liquéfaction, solidification, cristallisation, liaisons moléculaires[2]. Lors de la création de la Terre la température était de 100 milliards de degrés. L’agitation des particules était extrême. Le désordre était total. L’ordre s’est créé lors du refroidissement. Les électrons et les protons se sont unis. Ils ont constitué des atomes, notamment, les atomes d’hydrogène[3].
La formation des biomolécules[modifier]
Les températures extrêmes, les tourbillons, les décharges électriques se sont poursuivies pendant des centaines de millions d’années. Dans ce désordre les atomes s’aggloméraient, créant de l’ordre. Se sont formées les premières biomolécules complexes à l’origine de la vie sur Terre : glucides, acides aminés, ARN, ADN[4].
La crise de l’oxygène[modifier]
Le taux d’oxygène dans l’atmosphère il y a deux milliards d’années était très faible, de l’ordre de 2 %[5]. Les premières bactéries tiraient leur énergie du sulfure d’hydrogène. Celui-ci devint rare. Suite à des mutations certaines bactéries réussirent à briser les molécules d’eau. La molécule d’eau est faite d’hydrogène et d’oxygène. Les bactéries absorbaient l’hydrogène dont elles avaient besoin. Les molécules d’oxygène étaient rejetées. L’oxygène est toxique. C’est un poison mortel. Lorsque les substances qui pouvaient fixer l’oxygène ont commencé à s’épuiser, l’oxygène s’est accumulé dans l’air. Sa toxicité a déclenché une catastrophe d’ampleur planétaire. Lorsque l’oxygène est associé à la lumière il forme un mélange mortel beaucoup plus dangereux que chacun d’eux pris séparément. Le tout est plus que la somme des parties[6]. De nombreuses espèces de microbes furent immédiatement exterminées.Tous les microbes qui se développaient à l’abri de l’air ont été détruits. La totalité de la vie a dû se réorganiser. Il s’agissait là d’un holocauste et d’une révolution les plus spectaculaires et les plus importantes de l’histoire de la vie. Certaines bactéries se sont retrouvées par mutation résistantes à l’oxygène. Elles se multiplièrent et remplacèrent celles qui avaient disparu[7]. L’organisation des systèmes vivants n’est pas une organisation statique mais un processus de désorganisation permanente suivie de réorganisation[8].
Antagonismes[modifier]
Les antagonismes font partie du désordre. La complexité vivante les utilise pour créer de l'ordre. La chaîne alimentaire est composée d’antagonismes où les herbivores se nourrissent de plantes, les carnivores d’herbivores, les micro-organismes de déchets végétaux et animaux. Cette chaîne est régulée par la dépendance de chaque maillon envers celui qui le précède[9].
Les relations antagonistes prédateur-proie peuvent évoluer en relations mutualistes où les partenaires y trouvent des avantages réciproques[10]. L’ordre en est accru. Ainsi des mitochondries. C’était à l'origine des bactéries[11]. Ces bactéries étaient des prédateurs qui envahissaient et exploitaient leurs hôtes. Certaines proies en sont mortes. D’autres ont résisté. Le prédateur s’est nourri des déchets dans le milieu aqueux de la victime et a renoncé à son propre milieu. Seul son noyau, porteur d’ADN, est resté de façon autonome dans la bactérie proie se nourrissant d’elle. La proie a bénéficié des gênes de ce noyau, ce qui a permis son développement. L’antagonisme s’était transformé en symbiose[12].
Champignons[modifier]
Les champignons sont classés dans un règne à part qui n'est pas le règne végétal. Un végétal est un organisme qui peut subvenir seul à ses besoins. Il puise les ingrédients dont il a besoin dans le milieu où il vit. Les champignons ne sont pas dans ce cas. Ils pénètrent dans d'autres organismes morts ou vivants et se nourrissent par absorption. Certaines espèces ont évolué avec la plante. Elles lui fournissent des nutriments minéraux dont la plante a besoin. La relation prédateur-proie a évolué en relation mutualiste voire symbiotique où les partenaires ne peuvent pas se passer l'un de l'autre. Lorsque les spores des champignons germent elles émettent quelques ramifications primaires pour pénétrer dans un végétal. S'il ne se trouve pas une plante à proximité elles se rétractent dans la spore initiale ou forment des spores plus petites. Les champignons ne peuvent pas produire leur énergie eux-mêmes. Ils absorbent le glucose produit par les plantes. Dans les symbioses les champignons fournissent à la plante, en contrepartie, des sels minéraux, de l'azote et du phosphore tirés du sol, mais aussi des produits qu'ils élaborent, azote et phosphore organique, acides aminés, vitamines, antibiotiques, hormones. Presque toutes les espèces végétales terrestres vivent en mutualisme avec des champignon. Le parasitisme s’est transformé en mutualisme[13].
Insectes et plantes[modifier]
L'apparition des insectes sur la terre ferme date d'il y a environ 400 millions d'années. Ils s'alimentaient de matières organiques issues de détritus ou de petits animaux. Environ 50 millions d'années plus tard ils se sont tournés vers les végétaux comme source supplémentaire de nourriture. Leur prolifération représentait pour les végétaux une vraie menace de disparition[14]. Ce n'est pas ce qui est arrivé. Les insectes en se nourrissant de plantes ont participé à la dispersion de leurs graines et de leur pollen et donc à leur déploiement. Par la suite des relations mutualistes se sont mises en place. Les insectes ont trouvé dans les plantes habitat et nourriture. En contrepartie ils fournissaient aux plantes transport de leurs graines et de leur pollen ainsi que protection contre les insectes herbivores. L'antagonisme prédateur-proie a évolué en mutualisme[15]. Tout système comporte et produit en même temps antagonisme et complémentarité[16].
Auto-organisation[modifier]
L'organisation est ce qui crée de l'ordre à partir du désordre. L'organisation de la Nature est une auto-organisation. Elle s'effectue sans intervention de facteurs extérieurs[17]. Elle résulte d'interactions ou de perturbations. Concernant les interactions celles-ci naissent de rencontres. Les interactions peuvent entraîner des interrelations. Ces dernières disposent parfois d'une force de cohésion. Elles deviennent alors stables et créent de l'ordre[18]. L'auto-organisation peut aussi provenir d'une perturbation. Une perturbation entraîne une modification dans le système. Si elle est intégrée un nouvel élément est créé. Il est source de diversité. Dans tous les cas, que ce soit par interrelations ou par perturbation, il s'agit d'évènements aléatoires. Le hasard fait partie du processus auto-organisateur[19].
Le facteur temps[modifier]
Tout système, toute organisation sont soumis au temps. Le temps travaille pour l'organisation, mais aussi pour la désorganisation. Le temps est fragile parce qu'il est lié à des improbabilités. Il dépend des conditions physiques et écologiques[20]. Pour que la température de la Terre baisse de 100 milliards de degrés à 3 000 degrés un million d’années auront été nécessaires. À cette température les électrons et les protons peuvent s'unir pour former des atomes[21]. Pour que des rencontres agglomèrent ces atomes en molécules et en constituants du vivant cela a pris quelques centaines de millions d'années[5]. Ces rencontres ont bénéficié de conditions exceptionnelles de température, de pression, de décharges électriques, de rayonnements intenses et de tourbillons[4]. Pour que les constituants du vivant s'agrègent en cellules et que les bactéries ainsi créées s'étendent sur toute la planète 1,3 milliard d'années auront été nécessaires[22]. La sortie de l'eau sera survenue 300 millions d'années plus tard. Mais après la sortie de l’eau il faudra encore 1,4 milliard d'années avant que naissent les premiers végétaux terrestres dotés de racines et de feuilles rudimentaires, les mousses[23]. La vie est apparue très tôt puis elle a évolué lentement[5]. Alors que l'agrégation des particules a eu lieu il y a 3 900 millions d'années les premières bactéries sont apparues déjà il y a 3 800 millions d'années et LUCA, la première cellule autonome date d'il y a 3 500 millions d'années[24]. La vie a existé presque depuis le commencement. La transition de la matière inanimée à la bactérie a pris moins de temps que la transition de la bactérie aux grands organismes[25], soit 300 millions d'années contre 3 300 millions[23].
Les rencontres[modifier]
Lorsque la température de la Terre, au moment de sa formation, passa de 100 milliards de degrés à environ 3 000 des protons et des électrons se sont unis pour former des atomes d'hydrogène. L'hydrogène est l'élément le plus simple et le plus abondant dans l'univers[21]. Ses atomes, associés à d'autres atomes, se retrouvent dans l'eau, le méthane, l'ammoniac et l'hydrogène sulfuré. Ces quatre éléments sont les principaux constituants du vivant. Ils ont fusionné au cours des centaines de millions d'années d'innombrables rencontres dans ce milieu où régnaient des conditions extrêmes de températures, de pressions et de tourbillons[26]. Ce processus d’auto-organisation a permis la naissance de la vie[27].
Les fusions[modifier]
Les bactéries qui se développaient dans la soupe primitive possédaient très peu de gènes. Comme leur membrane est très perméable elles vivaient en agglomérations et échangeaient leurs gènes pour survivre. Les premières bactéries tiraient leur énergie du glucose se trouvant dans le milieu. Lorsque le glucose et les composés organiques dont elles se nourrissaient se firent rares d'autres processus de transformations chimiques dégageant de l'énergie émergèrent. Certaines bactéries décomposèrent les sulfates en sulfites. Elles respiraient ce gaz pour en tirer de l'énergie. La respiration a un excellent rendement énergétique. D'autres bactéries utilisaient les rayons solaires à travers la photosynthèse. Les rencontres fortuites de bactéries dont les unes possédaient la respiration et les autres la photosynthèse ont abouti à leur fusion[28]. Ces fusions ont créé de l’ordre. Les nouvelles bactéries étaient devenues stables et pérennes.
Émergences[modifier]
Il y a émergence lorsque des propriétés nouvelles apparaissent lors d'interactions. Ces propriétés ne peuvent être prédites à partir des propriétés individuelles des constituants. Ainsi l'agrégation de l'hydrogène et de l'oxygène forme une molécule d'eau. Les propriétés de l'eau ne peuvent être déduites de celles de l'oxygène ou de l'hydrogène pris séparément. Henri Atlan distingue l'émergence triviale de l'émergence non triviale. L'émergence triviale est celle qui correspond à des corps tels que les atomes, les molécules et les cristaux dont l'émergence est toujours semblable à elle-même. Tel est le cas de l’eau. L'émergence non triviale est celle du vivant. Elle est due à des mutations ou à des fusions. Elle est imprédictible. Sa part d’indéterminé est due au rôle du hasard dans les rencontres et dans les mutations ainsi qu’à la complexité des rétro-interactions[29]. Chaque évènement dans le vivant est singulier et aléatoire[30].
Émergence par mutation[modifier]
Les mutations sont source d’émergences. Elles créent des entités nouvelles dotées de propriétés nouvelles. Les mutations des bactéries ont été à l’origine du développement du vivant. Elles résultent d’une perturbation lors de leur division. Les mutations sont rares mais les divisions sont fréquentes. Une mutation a lieu pour un million de divisions. Mais les bactéries se divisent très souvent. Les plus rapides le font environ toutes les vingt minutes. En deux jours cela donne un nombre largement supérieur à tous les êtres humains ayant jamais vécu sur Terre. La plupart des mutations brisent le système et entraînent la mort de la bactérie[31]. Une mutation qui réussit maintient le système et fait émerger une propriété nouvelle. Elle est produite par le hasard. Les conséquences ne sont pas prévisibles[32]. C’est par mutation que des bactéries ont acquis la photosynthèse c’est-à-dire la capacité de tirer leur source d’énergie du rayonnement solaire.
Émergence par fusion[modifier]
Les coopérations sont une source importante d’émergence de propriétés nouvelles. Les formes de vie se sont multipliées en en cooptant d’autres[33]. La fusion des bactéries possédant la photosynthèse avec celles ayant acquis la respiration a considérablement accru la productivité énergétique. Le vivant a pu s’étendre et engendrer les règnes végétaux et animaux[5].
Environnement[modifier]
L’environnement contraint le développement de la vie. Parallèlement il est modifié par le vivant[34]. Pour obtenir leur énergie les bactéries se nourrissaient en fonction des éléments trouvés dans le milieu. Lorsque le glucose et l’hydrogène sulfuré se sont faits rares elles ont décomposé l’eau. De cette décomposition se dégageait de l’oxygène. En libérant de l’oxygène elles ont modifié le milieu. En rétroaction le milieu est devenu toxique pour les bactéries et les a décimées. Les rapports entre l’environnement et le vivant sont indissolubles. Ils sont constamment en inter-rétroactions[35].
L’empreinte de l’environnement[modifier]
L’environnement n’est pas seulement l’enveloppe extérieure dans laquelle se déroule la vie. Il fixe des contraintes sur le monde vivant et limite ses possibilités[36].Ce sont les qualités spécifiques de la Terre qui ont permis à la vie de s’y développer. Son humidité et ses températures douces sont favorables aux combinaisons chimiques à la base de la vie. La Terre est située à proximité d’une source d’énergie, le Soleil. Elle en est suffisamment éloignée pour que ses constituants ne s’échappent pas sous forme de gaz et que puissent coexister des corps liquides, solides et gazeux. L’eau y existe sous forme liquide[37].
À plus de trois kilomètres sous la surface des océans des communautés animales se sont développées indépendamment de toute énergie de provenance solaire. Elles se trouvent en grande profondeur près des sources chaudes d’origine volcanique. Des bactéries y produisent leur énergie à partir du sulfure d’hydrogène. Elles supportent des températures supérieures à 100 °C. Les autres animaux de la communauté s’en nourrissent directement. D’autres environnements créent d’autres formes de vie[38].
La modification de l’environnement[modifier]
La composition chimique de l’atmosphère de la Terre ne correspond pas à l’équilibre chimique se trouvant en état stable. La présence et les proportions de méthane, de protoxyde d’azote et même d’azote dans notre atmosphère actuelle représente une violation des règles de la chimie[39]. Cette chimie de l’atmosphère terrestre est tellement bizarre que cela ne peut venir que de l’action du vivant. Le vivant produit en permanence des quantités prodigieuses de ces gaz. À partir de ces constatations James Lovelock a développé l’hypothèse Gaïa. Celle-ci valide la régulation de l’atmosphère par le vivant[40].
Diversité[modifier]
La diversité est inhérente à tout système complexe. Elle provient soit d’une unité qui se différencie, soit de l’unification d’entités différentes. Elle permet l’éco-organisation. Elle est à la fois cause et conséquence de deux phénomènes clés de l’éco-organisation : les interactions et la constitution de boucles nutritives[41].
Interactions[modifier]
La diversité produit des interactions. Elle crée aussi des antagonismes. Les antagonismes sont nécessaires pour les régulations[42]. Si les insectes herbivores éliminent trop de plantes eux-mêmes ne trouveront plus assez de nourriture et diminueront en nombre ce qui permettra aux plantes de se redévelopper. Le même phénomène jouera pour les herbivores victimes des carnivores et ainsi d’échelon en échelon. L’équilibre plantes-insectes herbivores-insectes carnivores est toujours provisoire et fragile [43].
La diversité ne crée pas que des antagonismes. Elle permet aussi des associations. Celles-ci produisent des entités nouvelles. Des bactéries capables de tirer leur énergie du rayonnement solaire se sont associées avec des bactéries ayant acquis la respiration. Cette fusion a créé une cellule au rendement énergétique considérablement accru[44].
Boucle alimentaire[modifier]
La diversité permet de développer les chaînes alimentaires. Chaque maillon dévore celui qui le précède et est dévoré par celui qui le suit. Les plantes, grâce à l’énergie solaire, tirent les éléments du sol. Les animaux herbivores se nourrissent de plantes. Les animaux carnivores se nourrissent d’autres animaux. Les bactéries s’alimentent en décomposant les déchets des uns et des autres. Elles restituent à la terre les éléments minéraux qui seront absorbés par les végétaux et à nouveau recyclés dans la boucle alimentaire[45].
Résilience[modifier]
La diversité permet d’accroitre la résilience face aux agressions et aux perturbations. Là où il y a homogénéité l’atteinte à un élément se répercute sur tous les éléments. Une chaîne alimentaire peut alors être cassée si le maillon disparaît et que l’élément atteint n’est pas remplacé par un autre élément possédant à peu près les mêmes propriétés. L’homogénéité porte la mort et la diversité accroît les chances de vie[46]. Des espèces peu abondantes peuvent sembler négligeables. Elles ont un rôle effacé par rapport à d’autres plus nombreuses et assurant sensiblement les mêmes fonctions. Cependant elles peuvent les remplacer en cas de disparition. Elles peuvent aussi s’avérer mieux adaptées à des conditions nouvelles en cas de changement climatique. Avoir la même fonction écologique garantit d’assurer durablement la production des services écologiques essentiels en cas de rupture ou de changement brutal de l’écosystème[47]. Il y a 2 milliards d’années la production d’oxygène en quantités toxiques pour le vivant a déclenché une catastrophe qui a bouleversé l’écosystème. La vie microbienne ne disposait d’aucune défense contre ce cataclysme. L’écosystème s’est réorganisé à partir de la diversification. Quelques bactéries s’étaient diversifiées par mutation et avaient développé une résistance à l’oxygène[48].
La diversité est aussi à l’origine d’associations qui permettent au vivant de se maintenir dans des conditions difficiles. Les lichens sont nés de l’association d’algues et de champignons. Ils survivent dans des environnements très hostiles. Ce sont parfois les seules plantes à pouvoir le faire[49].
Complexité[modifier]
La complexité d’un système provient de la multiplicité des facteurs en inter-rétroactions, des émergences et des incertitudes concernant les causes et les effets. Cette complexité ne permet pas de prévoir les devenirs[50].
Facteurs en interactions[modifier]
La complexité des inter-rétroactions empêche toute prévision. Lorsque des bactéries, suite à des mutations, ont commencé à décomposer l’eau pour en tirer leur énergie elles ont libéré de l’oxygène et modifié ainsi le milieu. En rétroaction l’excès d’oxygène a failli éliminer tout le vivant de la Terre. Une telle conséquence d’une mutation était imprévisible.
Émergences[modifier]
La complexité vient des émergences. Celles-ci sont imprévisibles. Des parties s’assemblent et il en ressort des propriétés nouvelles. Dans la soupe primitive durant des centaines de millions d’années se sont formées de longues chaînes d’hydrates de carbone. Une des chaînes avait la capacité d’enfermer une gouttelette d’eau. La membrane ainsi formée permettait à certaines substances d’entrer et de sortir. Tout le vivant découle de cette cellule[51]. L’émergence de cette membrane n’était pas prédictible à partir des éléments qui la composent. Le tout est plus que la somme des parties[6].
Causes et effets[modifier]
La complexité provient également de l’incertitude concernant les effets que peuvent avoir les causes.
• Des mêmes causes peuvent produire des effets différents. Les mutations qui affectent une bactérie peuvent être positives si elles déclenchent des propriétés nouvelles que n’avaient pas les bactéries. Elles peuvent être négatives si elles altèrent un composé indispensable dans le processus vital et provoquent la mort de la bactérie. Elles peuvent enfin n’avoir aucun effet sur la bactérie.
• Des causes différentes peuvent avoir les mêmes effets. La création d’une nouvelle bactérie peut avoir lieu suite à une mutation ou suite à une symbiose.
• Des petites causes peuvent entraîner des grands effets. La recherche des bactéries pour de nouvelles sources d’énergie est une chose courante. Lorsqu’elle a porté sur la décomposition de l’eau, la libération d’oxygène en résultant a provoqué un cataclysme.
• De grandes causes peuvent entraîner de tout petits effets. L’effet d’une énorme perturbation peut être quasi annulé au terme d’une réorganisation de tout le système. La réorganisation de la vie autour de bactéries résistantes à l’oxygène n’a finalement pas entravé, voire a favorisé, le développement du vivant. L’utilisation de l’oxygène dans la respiration a considérablement accru les capacités évolutives des cellules.
• Des causes sont suivies d’effets contraires. La pénétration de bactéries dans des bactéries plus petites pour s’en nourrir sert à les maintenir en vie. Les bactéries victimes peuvent en mourir et paradoxalement entraîner dans la mort les prédatrices. La libération d’oxygène a eu un effet négatif lorsqu’elle a déclenché un cataclysme. Ce cataclysme a permis de généraliser la respiration. L’effet négatif a finalement provoqué un effet positif.
• Les effets des causes antagonistes sont incertains. Des micro-organismes pathogènes s’attaquent aux cellules. Les cellules peuvent en mourir. Parfois au contraire le pathogène et la cellule finissent par cohabiter, voire vivre en symbiose et être indispensables l’un à l’autre. C’est ainsi que les cellules à noyau se sont enrichies en ADN grâce aux mitochondries, c’est-à-dire grâce à des cellules prédatrices avec lesquelles elles se sont associées[52].
Les effets finaux des causes sont imprédictibles[53].
Notes et références[modifier]
- ↑ Edgar Morin 1980, p. 323
- ↑ Edgar Morin 1977, p. 48
- ↑ Lynn Margulis, Dorion Sagan et Anne de Beer 2002, p. 32-33
- ↑ 4,0 et 4,1 Suty 2014, p. 6
- ↑ 5,0 5,1 5,2 et 5,3 Suty 2014, p. 7
- ↑ 6,0 et 6,1 Edgar Morin 1977, p. 106
- ↑ Lynn Margulis, Dorion Sagan et Anne de Beer 2002, p. 104, 105, 112, 113
- ↑ Colloque de Cerisy, Déterminismes et complexités : du physique à l’éthique, La Découverte, 2008, p. 127
- ↑ Edgar Morin 1980, p. 325, 29
- ↑ Suty 2015, p. 20
- ↑ Suty 2015b, p. 8
- ↑ Margulis, p. 21,138, 139
- ↑ Suty 2015b, p. 23, 26, 29, 30
- ↑ Sauvion, p. 15, 26, 97, 557, 27, 418
- ↑ Sauvion, p. 14, 557, 303
- ↑ Edgar Morin 1977, p. 119
- ↑ Atlan, p. 25
- ↑ Edgar Morin 1977, p. 54
- ↑ Atlan, p. 80, 27
- ↑ Edgar Morin 1977, p. 215-216
- ↑ 21,0 et 21,1 Margulis, p. 32
- ↑ Lynn Margulis, Dorion Sagan et Anne de Beer 2002, p. 36
- ↑ 23,0 et 23,1 Suty 2014, p. 9
- ↑ Suty 2014, p. 6, 7
- ↑ Lynn Margulis, Dorion Sagan et Anne de Beer 2002, p. 72, 95
- ↑ Lynn Margulis, Dorion Sagan et Anne de Beer 2002, p. 34, 44, 47
- ↑ Edgar Morin 1980, p. 305
- ↑ Lynn Margulis, Dorion Sagan et Anne de Beer 2002, p. 75, 76, 78, 79
- ↑ Atlan, p. 10, 11, 19
- ↑ Edgar Morin 1977, p. 84
- ↑ Lynn Margulis, Dorion Sagan et Anne de Beer 2002, p. 75
- ↑ Atlan, p. 19
- ↑ Lynn Margulis, Dorion Sagan et Anne de Beer 2002, p. 18
- ↑ Wladimir Vernadsky, La biosphère, Seuil, 2002, p. 24
- ↑ Suty 2015, p. 6
- ↑ Morin, 1980, p. 17
- ↑ Lynn Margulis, Dorion Sagan et Anne de Beer 2002, p. 47, 48, 34
- ↑ Lynn Margulis, Dorion Sagan et Anne de Beer 2002, p. 313
- ↑ James Lovelock, La terre est un être vivant, Flammarion, 1993, p. 30
- ↑ Lynn Margulis, Dorion Sagan et Anne de Beer 2002, p. 296
- ↑ Edgar Morin 1980, p. 41
- ↑ Edgar Morin 1980, p. 40, 41
- ↑ Edgar Morin 1980, p. 28, 29
- ↑ Suty 2015b, p. 10
- ↑ Morin, 1980, p. 28, 30
- ↑ Edgar Morin 1980, p. 42
- ↑ Robert Barbault, Jacques Weber, La vie, quelle entreprise !, Seuil, 2010, p. 56
- ↑ Lynn Margulis, Dorion Sagan et Anne de Beer 2002, p. 112-113
- ↑ Suty 2015b, p. 24, 25
- ↑ Colloque de Cerisy, déjà cité, p. 378
- ↑ Lynn Margulis, Dorion Sagan et Anne de Beer 2002, p. 49-51
- ↑ Lynn Margulis, Dorion Sagan et Anne de Beer 2002, p. 159
- ↑ Edgar Morin 1977, p. 269-270
Bibliographie[modifier]
- Edgar Morin, La méthode, vol. 1 : La nature de la nature, Paris, Seuil, , 398 p. (ISBN 978-2-02-004634-3, OCLC 868619875).
- Edgar Morin, La méthode, vol. 2 : La vie de la vie, Paris, Seuil, (OCLC 917309254, lire en ligne).
- Henri Atlan, Le vivant post-génomique ou Qu'est-ce que l'auto-organisation, Paris, O. Jacob, coll. « Sciences », , 334 p. (ISBN 978-2-7381-2506-4, OCLC 703210165, notice BnF no FRBNF42352486, présentation en ligne).
- Lydie Suty, Les végétaux : Évolution, développement et reproduction, Versailles, Éditions Quae, , 64 p. (ISBN 978-2-7592-2249-0, OCLC 899568594)
- Lydie Suty, Les végétaux : les relations avec leur environnement, Versailles France, Éditions Quae, coll. « Mémos de Quæ », , 55 p. (ISBN 978-2-7592-2288-9, OCLC 935900689, présentation en ligne).
- Lydie Suty, Les végétaux : des symbioses pour mieux vivre, Versailles, Éd. Quae, coll. « Mémos de Quae » (no 3), , 55 p. (ISBN 978-2-7592-2305-3, OCLC 908151332, notice BnF no FRBNF44319082, présentation en ligne)
- Lynn Margulis, Dorion Sagan et Anne de Beer (trad. de l'anglais par Gérard Blanc, préf. Lewis Thomas), L'univers bactériel, Paris, Éd. du Seuil, coll. « Points / Sciences » (no 148), , 339 p. (ISBN 978-2-02-052568-8, OCLC 470183103)
Articles connexes[modifier]
- Pensée complexe
- Complexité
- Système complexe
- Histoire de la Terre
- Origine de la vie
- Histoire évolutive du vivant
- Évolution (biologie)
- Biologie
- Bactérie
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