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Les Origines intellectuelles de l'expédition d'Égypte

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Les Origines intellectuelles de l’expédition d’Égypte : L’Orientalisme Islamisant en France (1698-1798) de Henry Laurens (1987) est une histoire des idées de l’orientalisme français au XVIIIe siècle, s’appuyant sur l’analyse des œuvres lues en France durant cette période.

Le regard du lecteur moyen[modifier]

Le titre et le sous-titre de l’œuvre doivent être inversés pour en comprendre l’intention. Alors que l’étude prend pour point de départ 1698, date de la parution des Mille et Une Nuits de Galland et la Bibliothèque orientale d’Herbelot, deux œuvres majeures de l’orientalisme érudit et littéraire français, l’autre borne chronologique, 1798, telle qu’elle est explicitée dans le titre, pourrait faire croire à une revue rétrospective des événements intellectuels menant à l’expédition d’Égypte, ce que cette étude, nous le verrons, n’est pas. Henry Laurens, qui résume ici sa thèse, a publié une monographie sur cette même Bibliothèque orientale d’Herbelot (1978), partant de l’auteur et d’une œuvre pour étudier les sources et les publics qui l’ont utilisée. C’est la démarche inverse qui est présentée au moment de la parution de l’œuvre, en 1987 : ce sont les jeux d’intertextualité, phénomène incontournable d’une époque de compilateurs, et la vision construite par les lecteurs qui sont au centre de l’étude. De fait, Laurens s’appuie sur une méthodologie simple et rigoureuse pour dégager un lecteur moyen, l’« honnête homme » du XVIIIe siècle, intéressé par l’Orient pour de tout autres motifs que ceux du XVIIe : il reprend les comptes rendus des œuvres parus dans les revues représentant les principaux groupes intellectuels du XVIIIe : les Académiciens et le monde intellectuel officiel avec Le Journal des Savants, les Jésuites et le Journal de Trévoux et ses successeurs, enfin les Encyclopédistes à travers le Journal encyclopédique. Ces revues ont un tirage moyen de 1000 exemplaires, mais sont lues et commentées dans la société et surtout sont le reflet des goûts et intérêts de cette même société française. Laurens écarte par là-même les bibliothèques d’auteurs et d’érudits, beaucoup plus latinisantes et spécialisées, et la production orientalisante européenne, exceptées les œuvres européennes traduites en français. Laurens part d’un postulat : la société française du XVIIIe siècle perd son latin et se coupe du reste de l’Europe –inutile donc de rendre compte de ce qui se passe dans le monde anglais ou allemand – et d’une comparaison instructive : la production orientalisante littéraire et la production orientalisante savante en France suivent des logiques très différentes : les lecteurs de romans de harems et les érudits dilettantes de l’histoire ottomane sont des personnes distinctes ; le constat attise la réflexion.

Le dépouillement[modifier]

Ayant donc défini strictement sa méthode de dépouillement des comptes rendus et d’analyse des œuvres qui y sont mises en valeur, - ce qui aboutit à une annexe où les œuvres orientalisantes qui comptent en France sont classées par dates de manière exhaustive (que les éditions turques Isis ont mis à mal en en omettant un cahier) - Laurens dégage les grands thèmes de la pensée orientaliste du XVIIIe siècle, que régissent deux facteurs : l’influence d’œuvres majeures publiées dont les thèmes sont repris, et l’actualité des guerres entre nations européennes et Empire ottoman.

Les chapitres se répartissent de la manière suivante :

  1. L’histoire
  2. Grandeur et décadence de la civilisation islamique ou le renversement des rôles entre l’Occident et l’Orient
  3. La controverse sur le despotisme : le pour et le contre
  4. La controverse sur le despotisme : le retour du despotisme
  5. La religion
  6. L’Égypte
  7. Polygamie, démographie, sexualité : nature ou contre-nature
  8. La société orientale : composition et attitude devant la vie
  9. Les révolutions de Perse au XVIIIe siècle : leur interprétation par l’occident
  10. L’opinion française et l’Orient : l’aventure d’Ali Bey
  11. Déclin ottoman et intervention européenne

Le XVIIIe n’est pas un siècle de grandes découvertes érudites, mais d’intense échange avec les questions de la société. Les théories de Montesquieu sur l’Orient visent à définir une bonne et une mauvaise monarchie plutôt que de décrire l’état politique de l’Orient. Elles deviennent ainsi une référence obligée de cet orientalisme et de la lecture de la politique ottomane, et sont reprises en France par Turgot sous l’angle économique, le Baron de Tott ou encore Pierre Ruffin malgré la contradiction d’un James Porter dont la vision acérée se nourrit de son expérience de diplomate : lui décrit une société ottomane où le consensus naît de multiples contre-pouvoirs. Enfin ces théories se retournent contre leur objet d’étude : le despotisme est un mode de gouvernement, puis une gouvernance défaillante, puis un état de transition vers la décadence. Le thème de la décadence fait suite à celui de la grandeur du premier « empire » arabe ; la période de gloire alimentée par des despotes éclairés est révolue, notamment à cause des Turcs, beaucoup plus superstitieux et ennemis des arts : le philarabisme est en germe dans les écrits de cette époque, notamment sur l’Égypte que le despotisme militaire mamelouk aurait mené à la misère. La valorisation du passé est concurrente d’une inscription de l’Orient dans un monde futur dirigé vers le progrès, dans un retard à rattraper, ou plutôt à faire rattraper par des puissances extérieures. C’est Volney qui inscrit ce dernier thème dans l’orientalisme français.

Deux événements fortement relayés par des publications, les conquêtes respectives de Nadir Shah en Perse et Ali Bey en Égypte, viennent réactiver la figure du grand conquérant oriental et alimenter la question clivante : le conquérant est-il un antidote à la décadence, ou au contraire l’incarnation exemplaire du despotisme ?

Autour de cette trame historique explicitée aux chapitres 2, 3 et 4, différentes études rendent compte de la diversité des thèmes abordés dans l’orientalisme. Les chapitres 5 et 8 traitent des passages obligés de la religion et des mœurs. Les thèmes religieux développés au XVIIIe siècle, tels les sectes de l’islam connues, les moines soufis ou la tolérance islamique, aussi bien que les thèmes moraux, l’inertie ou l’énervement de l’homme oriental, la place des bédouins, des chrétiens, des paysans ou des esclaves, sont autant d’invitations à de futures recherches et de confrontations avec l’état des sciences actuel pour les lecteurs de Laurens. Ils sont « en attente », souvent destinés à rendre compte sans chercher de cohérence ou de filiation des idées. Parfois seulement ils sont développés de manière plus structurée : Ainsi le changement d’image de Mahomet, faux prophète dans l’érudition catholique, fondateur d’une morale claire pour un Rousseau, esprit supérieur pour les Lumières, avant que le discrédit de l’Islam à la fin des Lumières ne fasse réemerger une image repoussante. Ainsi également le chapitre 7, où est traité de manière systématique le surnombre des femmes par rapport aux hommes dans les harems, qui devient au XVIIIe un sujet de réflexion, qu’on relie à un surnombre démographique supposé, ou à la théorie des climats ; la polygamie et d’autres pratiques sont interrogées par la littérature érudite et insérés dans les débats contemporains, sur l’idée de nature, par exemple.

Une étude des discours[modifier]

Les chapitres sont donc autant d’études thématiques particulières. Elles obéissent à une logique inductive : l’établissement de constantes et de lignes forces à partir de la variété des écrits orientalistes du XVIIIe français. Ils ont les défauts de cette logique : l’énumération, la difficulté de dégager des lois. Mais également les qualités : l’attachement philologique aux œuvres, la fidélité du portrait d’une époque, la mise en lumière de l’originalité des redites ou au contraire des pensées originales chez les auteurs majeurs ou mineurs, et du poids des auteurs vedettes du XVIIIe (Montesquieu, Tott, Volney…). C’est une étude des discours orientalistes français, avec un recours volontairement mineur à la contextualisation sociale ou événementielle.

  • La contextualisation sociale tout d’abord : dire ce qui intéresse statistiquement le lecteur du XVIIIe permet d’éviter l’écueil des études interculturelles : juger du bien-fondé d’une opinion du passé en la comparant rapidement à l’opinion présente sur la même question, juger par exemple de l’image de l’Islam au XVIIIe siècle à partir de ce que l’on en sait au XXe siècle. Henry Laurens oriente différemment son esprit de comparaison : il met en rapport les débats orientalistes avec les débats d’idées plus généraux qui ont cours alors en France (despotisme, nature, noblesse, progrès). Il admet dans le même temps – par exemple en parlant de James Porter - que c’est un défaut propre à la France de corréler des connaissances à des réfléxions théoriques préexistantes, plutôt que de donner la première place à l’observation du voyageur averti pour former l’opinion sur l’Orient.
  • La contextualisation en histoire événementielle, politique, militaire et diplomatique ensuite: la révolution en Perse y est étudiée parce qu’elle passionne le lecteur français, les guerres austro-russes contre l’Empire ottoman y sont à peine mentionnés, sans doute parce qu’ils intéressent alors moins.

La dimension politique de l’orientalisme ?[modifier]

Mais l’absence de mention des acteurs politiques concernant l’événement annoncé dans le titre, l’expédition d’Égypte, pose problème. Annoncer les « origines intellectuelles » d’un événement suppose que l’on suive la chaine des influences jusqu’aux acteurs de l’événement. Or c’est ce qui manque ici : le portrait de Bonaparte et des organisateurs de l’expédition est ici simplement allusif. On ignore quelle est la teneur des liens entre ces derniers et les Orientalistes du XVIIIe, s’ils en ont été des lecteurs attentifs… le « lecteur moyen » cède la place à plusieurs politiciens transformant des discours en action : une autre étude est nécessaire. Méthodologiquement, l’étude doit d’ailleurs s’arrêter à la révolution : : à l’exception du Journal des Sçavans, les revues jésuite et encyclopédique s’interrompent au moment des événements révolutionnaires, et Henry Laurens doit recourir à d’autres revues.

Quelques jalons ont certes été posés dans Les Origines intellectuelles de l’expédition d’Égypte pour introduire l’événement : le chapitre 6 sur l’Égypte et, de manière plus secondaire, le chapitre 10 sur Ali Bey, mais cela est insuffisant pour expliquer l’intervention. Le dernier chapitre quant à lui, sur les interventionnistes (Volney, Tott) et leurs détracteurs (Vergennes, Chénier père…), conclut les chapitre centraux de manière stimulante, en montrant comment l’orientalisme promeut face à l’émergence de la question d’Orient, à la décadence actée de l’Empire ottoman, la géniale trouvaille idéologique de la libération des peuples. La question ouvre au XIXe siècle européen tout entier.

Les Origines intellectuelles de l’expédition d’Égypte est donc une large recension des thèmes de l’orientalisme scientifique du XVIIIe siècle d’où émergent la question du pouvoir. Pour que son lien avec l’Égypte devienne manifeste, il est nécessaire de lire les œuvres qui suivent, plus centrées sur l’événement : Kléber en Égypte : Kléber et Bonaparte (1988) et L'Expédition d'Égypte (1996). Cette manière de présenter une époque où ne domine pas encore le discours colonialiste, une époque peu traitée par l’historiographie, et de disjoindre action politique et latences du discours orientaliste est la marque propre d’Henry Laurens, qui a depuis étendu son enquête des origines vers l’actuel jusqu’au XXIe siècle. Dévoilant dans un acte politique l’intensité des discours, des interrogations et du désir de connaissance qui l’ont amené, il a contribué à sauvegarder la mémoire de l’expédition d’Égypte comme un événement autant militaire que scientifique, à multiplier les études sur cette expédition en France, et à lui conserver une aura auprès des Égyptiens eux-mêmes, malgré l’accent fortement anti-colonialiste de leur historiographie. En 2009, organisée par un comité paritaire franco-égyptien, s’ouvrait l’exposition « Bonaparte, l’Égyptien » à l’Institut du Monde arabe.

Éditions[modifier]

  • Istanbul, Isis, 1987


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