Tétragoniste
Terme littéraire[1] élaboré sur le modèle de tritagoniste[2], apparu au XVIe siècle[3] mais sans équivalent attesté en grec ancien, le tétragoniste est au théâtre le quatrième acteur en termes d’importance. Il est à une position charnière entre les premiers rôles et les rôles secondaires[4]. Certains ont appliqué le terme au waki-zuré du nô[5].
Existait-il dans l’Antiquité grecque ? Gustave Fougères n’en doutait pas dans son album sur La Vie publique et privée des Grecs et des Romains[6] : « Les acteurs […], subdivisés en protagonistes, deutéragonistes, tritagonistes, tétragonistes, portaient un masque pour se déguiser et pour grossir leur voix [...] ». Kelley Rees de même, dans le domaine anglo-saxon, et il s’en explique dans sa thèse : The So-called Rule of Three Actors in the Classical Greek Drama[7].
Une réaction critique a eu lieu au XXe siècle. Charles Gantillon donne le ton, qui dans un livret de son Théâtre des Célestins[8]) place un plaisant « tétragoniste » dans une de ses distributions, aux côtés d’un « pentagoniste » et d’un « hexagoniste » non moins plaisamment créés pour l’occasion. Pascal Thiercy se base sur la non-attestation du terme même pour écrire de l'ancienne comédie grecque[9] : « Le terme tétragoniste n'apparaît du reste jamais, ce qui semble bien prouver que la fonction n'existait pas. »[10].
Mais le raisonnement se concentre sur le mot même, alors que la question du quatrième acteur devient épineuse quand on quitte les grands tragiques du Ve siècle av. J.-C., que ce soit dans la tragédie (surtout dans la tragédie romaine) ou, a fortiori, dans les comédies antiques[11]. Helenius Acro écrira dans son In Horatii Epistulam ad Pisonem, à propos de la comédie : « Non loquantur in fabula plures quinque personis. », « Que dans la pièce ne parlent pas plus de cinq acteurs. » (v. 189) et Ælius Donatus notera dans une préface à Térence[12] : « […] partes sunt […] quartae Parmenonis. », « Le rôle […] quatrième est celui de Parménon. » Julius Pollux désigne ces acteurs supplémentaires sous le terme général de παραχορήγημα, « élément supplétif »[13]. Ils n’étaient pas toujours des figurants muets : Pascal Thiercy lui-même ajoute[14] : « Le quatrième acteur, quand il est indispensable, n’a qu’une quinzaine de vers à dire au plus, et jamais plus de quatre vers à la suite. »
Ont été mis à jour des fragments antiques de livres de conduite dramatique[15] où des annotations didascaliques sur papyrus répartissent les paroles en un acteur I (lettre diacritée Ᾱ), un acteur II (lettre B), un acteur III (lettre Γ) et un acteur IV (lettre Δ), ce qui redonne crédit à l’existence, certes mineure, peut-être rare et sans doute tardive, d’un quatrième acteur dans des mises en scène antiques, acteur dont il est possible qu’il fût alors nommé τετραγωνιστής.
Références[modifier]
- ↑ María Victoria Ayuso de Vicente, Consuelo García Gallarín & Sagrario Solano, Diccionario Akal de Términos Literarios, AKAL, 1990, p. 310.
- ↑ Avec lequel le confond, entre autres, Octave Navarre dans Dyonisos - Étude sur l’organisation matérielle du théâtre athénien, Klincksieck, 1895, p. 46.
- ↑ Jacopo Mazzoni & Tuzio Dal Corno, Della difesa della Comedia di Dante, partie I, Bartolomeo Rauerii, 1587, p. 304.
- ↑ José Luis García Barrientos, Análisis de la dramaturgia: nueve obras y un método, Fundamentos, 2007, p. 72.
- ↑ Dragomir Costineanu, Origines et mythes du kabuki, Publications orientalistes de France, 1996, p. 230.
- ↑ Hachette, 1894, p. 64.
- ↑ University of Chicago Press, 1908
- ↑ Théâtre des Célestins, Lyon, éditions & imprimeries du Sud-Est, saison 1960-1961, pp. 9-10.
- ↑ Aristophane. Fiction et dramaturgie, Les Belles Lettres, 1986, p. 42 ; Aristophane et l'ancienne comédie, « Que sais-je ? », Presses universitaires de France, 1999, p. 26
- ↑ Même avis dans Louis Séchan, Études sur la tragédie grecque dans ses rapports avec la céramique, Champion, 1967, p. 304.
- ↑ Diego Lanza, « L'acteur comique face aux institutions », dans Christophe Hugoniot (dir.), Le Statut de l'acteur dans l'Antiquité grecque et romaine, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2004, pp. 33-42.
- ↑ In Hecyram Terenti commentum, 4 ; http://hyperdonat.huma-num.fr/editions/html/DonHec.html.
- ↑ IV, § 100 ; diverses scholies à Aristophane, dont La Paix, v. 114 ; Kelley Rees, « The Meaning of Parachoregema », Classical Philology, vol. II, octobre 1907, pp. 387-400.
- ↑ Aristophane. Fiction et dramaturgie, Les Belles Lettres, 1986, p. 42 ; Aristophane et l'ancienne comédie, « Que sais-je ? », Presses universitaires de France, 1999, p. 26
- ↑ Tatiana Gammacurta, Papyrologica scaenica: i copioni teatrali nella tradizione papiracea, Edizioni Dell'Orso, 2006, p. 43 ; Serena Perrone, « Ce que les papyrus disent des spectacles antiques », dans Brigitte Le Guen & Silvia Milanezi, L'Appareil scénique dans les spectacles de l'Antiquité, Presses universitaires de Vincennes, 2013, pp. 137-158.
Voir aussi[modifier]
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