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Sophie Gosselin

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Sophie Gosselin est née à Londres le 18 février 1978. Elle est philosophe, agrégée et docteure en philosophie. Elle explore les transformations de la condition humaine en contexte anthropocénique et s’intéresse à l’émergence de nouvelles manières d’habiter la Terre et de faire commun pour répondre à la crise écologique systémique[1],[2].

Elle est co-autrice de La condition terrestre, habiter la Terre en communs (éditions du Seuil, 2022).

Aperçu biographique[modifier]

Sophie Gosselin habite à Tours. Elle a soutenu sa thèse de philosophie sur la question de la technique à l’Université de Strasbourg en 2015 sous la direction de Jacob Rogozinski[3]. Elle enseigne la philosophie et les sciences sociales au Master d'Etudes environnementales de l'EHESS [4].

Axes de recherche[modifier]

Penser la technique et défendre les communs[modifier]

Elle crée en 1997 à Nantes, avec l’artiste sonore Julien Ottavi, le collectif APO33 [5], espace de création sonore et d’expérimentation collectif multimédia qui s’inspire des principes des logiciels libres, de l’open source et des creative commons [6].

Elle développe une réflexion philosophique sur la question de la technique et les communs, et sur les conséquences des technologies numériques sur notre rapport au corps, à l’espace, au temps et à la communauté. Elle s’intéresse à la manière dont les principes du libre et de l’open source changent les pratiques artistiques et culturelles en introduisant les notions de collaboration, de réseau et de mise en commun, contribuant à l’invention de nouvelles poétiques. Ce travail donnera lieu à la publication du livre Poétiques du numérique, co-dirigé avec Franck Cormerais, aux éditions de l'Entretemps, en 2008.

Habiter le monde : des techniques de la vie[modifier]

Elle co-anime avec David gé Bartoli un séminaire de deux ans au Collège International de Philosophie (Paris) de 2011 à 2013 intitulé "La souveraineté du dehors" [7] qui s'inspire des travaux issus du courant de la psychothérapie institutionnelle - en particulier de Jean Oury, Félix Guattari et Fernand Deligny - pour repenser le soin des collectifs et les manières d'habiter.

En 2019 elle publie aux éditions Dehors Le toucher du monde, techniques du naturer, co-écrit avec David gé Bartoli. Ce livre élabore une philosophie de la nature qui repense la technique dans une perspective non anthropocentrique. L’enjeu consiste à dépasser le clivage entre humanité et nature qui a structuré l’être au monde de la modernité occidentale en s’attaquant à la conception prométhéenne et instrumentale de la technique et à l’idée d’une nature passive, soumise à la domination de l’Homme. A l’encontre de l’idée qu’il existerait LA technique et que celle-ci suivrait le cours d’un progrès linéaire et inéluctable, les auteurs défendent l’existence d’une multiplicité de modes techniques correspondant à des manières différenciées d’habiter le monde qui allient humains et autres qu’humains. Chaque mode technique engage un toucher, une « co-naissance », une manière d’être affecté et d’affecter d’autres corps pour faire émerger un monde commun au sein d’une nature active et vivante qu’ils mettent à la voix active et plurielle avec le concept de « naturer ».

Le livre articule une réflexion métaphysique et esthétique pour repenser d’autres manières d’habiter le monde et de faire l’expérience du corps en tant que vivant, en s’appuyant sur les apports de l’éthologie et de l’anthropologie critique. Il tente de tresser une alliance entre les traditions des pensées post-structuralistes (Deleuze et Guattari, Derrida, Foucault), de la phénoménologie (Merleau-Ponty, Strauss, Weizsäcker), de l’écologie profonde (Naess) et de l’anthropologie critique (Ingold, Glowczewski, Brunois, Martin, Viveiros de Castro, Descola).

Selon la philosophe Susanna Lindberg « Gosselin et Bartoli suivent l’impulsion de la grande interprétation heideggérienne de l’époque de la technique en ce qu’ils pensent comme lui que l’onto-techno-logie moderne a fini par écraser tout savoir-habiter-le-monde. Comme Heidegger, ils cherchent donc une nouvelle possibilité d’habiter le monde mais contrairement à lui, ils ne la cherchent nullement dans la refondation de la communauté historiale sur le fondement de la Terre (rendue somme toute silencieuse par Heidegger), mais dans une plongée dans la Terre elle-même en suivant les lignes de son foisonnement minéral, végétal, animal et humain dans toutes ses formes[8]. »

Toujours selon Susanna Lindberg, "Si Heidegger a examiné, dans « La question de la technique », la technique non pas comme instrument mais comme épistémè, Gosselin et Bartoli étudient à l’inverse la connaissance comme technique. Ce point de vue ouvre sur une autre histoire de la technique, où la question de la technique ne porte pas sur la réalisation des objectifs humains mais sur la possibilité de voir le monde en train de se tramer et de faire voir ce tramage à travers différentes techniques d’exposition et de présentation [9]."

Devenir terrestre[modifier]

C’est à l’issue de la publication, en octobre 2022 aux éditions du Seuil, du livre co-écrit avec David gé Bartoli, La condition terrestre, habiter la Terre en communs que la philosophe se fait plus largement connaître.

L’ouvrage propose de penser les transformations contemporaines de l’espace politique et les inventions institutionnelles dont il est le théâtre pour répondre à la catastrophe écologique et contribuer à l’émergence d’un « monde fait de plusieurs mondes » selon l’expression des zapatistes. Le livre revendique une perspective décoloniale, écoféministe et communaliste. Il explore, à partir d’un travail d’enquête mené dans différents contextes à travers le monde, les mutations anthropologiques et politiques provoquées par ce que la philosophe Isabelle Stengers appelle « l’intrusion de Gaïa » et la manière dont cette intrusion marque le passage de la condition de l’homme moderne à la condition terrestre.

Selon la philosophe Cynthia Fleury, " Sophie Gosselin et David gé Bartoli […] poursuivent l’intuition latourienne afin d’élaborer une philosophie politique dans laquelle les institutions seraient à même d’accompagner les devenirs terrestres incluant humains et non humains, et de repenser les logiques d’émancipation des corps, au-delà des frontières de genre et d’espèce.[10] "

"Pour le critique Christian Ruby, les auteurs s’attachent légitimement à décentrer le propos de la notion de « condition humaine », qui suppose l’existence d’une nature humaine immuable et qui exclut les êtres non-humains de la réflexion. En introduisant la notion de « condition terrestre » — qui donne son titre à l’ouvrage —, ils font éclater l’unité apparente de la communauté politique, réservée jusque là aux humains, et font entrer de plein droit sur la scène politique tous les non-humains avec lesquels les sociétés humaines composent au quotidien pour former un « milieu de vie ». [11]"

En opérant le " passage d’une politique anthropocentrique à une cosmopolitique animique ", les auteurs contribuent, comme l’indique le philosophe Jean-Philippe Pierron, à " décentrer la réflexion politique.[12] "

Selon Michael Floessel, de la revue Esprit, " Le recours aux ontologies prémodernes a le mérite de dessiner un espace politique radicalement distinct de celui qui est sous-jacent à la citoyenneté des Modernes. Dans une politique animique, les dualités entre nature et culture, espace public et espace privé, citoyens majeurs et individus mineurs, etc., n’ont plus lieu d’être. Plutôt que de se référer à un contrat social institué par des agents libres, il faut partir des liens déjà existants entre des corps capables d’influer les uns sur les autres à l’intérieur d’un même milieu de vie.[13] "

D'après le journaliste Maxime Lerolle, " La Condition terrestre confirme une pensée de plus en plus prégnante dans les essais politiques d’inspiration libertaire : l’indigène est le sujet révolutionnaire de notre temps, car c’est dans le Sud que se situe la ligne de front de l’expansion capitaliste mais aussi l’invention de nouveaux mondes. Il ne faut pas cependant entendre « indigène » dans son sens colonial : comme l’explique en substance l’anthropologue Barbara Glowczewski dans Réveiller les esprits de la Terre, est indigène toute communauté qui s’enracine dans un lieu et fait corps avec les autres terrestres qui l’habitent — la zad de Notre-Dame-des-Landes en est un exemple emblématique. En somme, il faut se faire indigène pour devenir pleinement terrestre et révolutionnaire[14]."

La philosophe est membre de la revue en ligne Terrestres[15], « chambre d’écho des livres, des pratiques et des idées qui redonnent des mondes et des écologies à la politique, au social et à la culture ». Elle y publie des articles et entretiens, et participe à l’activité du comité de rédaction.

Depuis décembre 2022, elle est vice-présidente du Conseil Scientifique du Bassin Loire-Bretagne[16].

Publications[modifier]

  • Poétiques du numérique, ouvrage collectif dirigé par Sophie Gosselin et Franck Cormerais, éditions l'Entretemps, 2008.
  • Le toucher du monde, techniques du naturer, co-écrit avec David gé Bartoli, éditions Dehors, 2019
  • La condition terrestre, habiter la Terre en communs, co-écrit avec David gé Bartoli, éditions du Seuil, 2022.

Notes et références[modifier]

  1. « Sophie Gosselin - Climax Festival » (consulté le 20 août 2023)
  2. « Sophie GOSSELIN », sur Les Rendez-vous de l'histoire (consulté le 20 août 2023)
  3. « Le toucher du monde : les techniques du naturer », sur www.theses.fr (consulté le 5 août 2023)
  4. « Master Etudes environnementales EHESS »
  5. https://apo33.org/
  6. https://www.liberation.fr/culture/2004/11/12/toile-de-sons_499223/
  7. https://www.radiofrance.fr/franceculture/la-souverainete-du-dehors-une-pensee-du-collectif-5156750
  8. Susanna Lindberg, Exercices en infra-physique, pour une nouvelle philosophie de la nature, Revue Terrestres, 1 juin 2020, https://www.terrestres.org/2020/06/01/exercices-en-infra-physique-pour-une-nouvelle-philosophie-de-la-nature/
  9. Susanna Lindberg, Techniques en philosophie, Le Bel Aujourd'hui, (lire en ligne)
  10. La chronique de Cynthia Fleury, L’Humanité, jeudi 3 novembre 2022, https://www.humanite.fr/en-debat/la-chronique-de-cynthia-fleury/la-geomemoire-769711
  11.  « Face au désastre écologique, organiser les communautés terrestres », Christian Ruby, Nonfiction, 8 novembre 2022, https://www.nonfiction.fr/article-11509-face-au-desastre-ecologique-organiser-les-communautes-terrestres.htm
  12. « À distance d’une social-démocratie ayant du mal à répondre aux méfaits d’un capitalisme extractiviste délétère et d’un communisme du vivant survalorisant le contrôle de l’État, ce livre nous instruit sur l’imagination politique en train de se faire. Rompant avec l’idée métaphysique de nature humaine trop centrée sur l’exception humaine, déplaçant l’analyse en termes de condition humaine qui pense le politique à partir des intérêts humains, la condition terrestre et l’idée qui l’accompagne de « s’enterrestrer » décentrent la réflexion politique. », Jean-Philippe Pierron , Etudes, revue de culture contemporaine, n° 4301 (février 2023), Critiques de livre, https://www.revue-etudes.com/critiques-de-livres/la-condition-terrestre-sophie-gosselin-et-david-ge-bartoli/24795
  13. Michaël FœSSEL, « Le cosmos, la nature, le monde. Le tournant ontologique des critiques de la modernité », Esprit, 2023/1-2 (Janvier-Février), p. 113-123. DOI : 10.3917/espri.2301.0113. URL : https://www-cairn-info.proxy.scd.univ-tours.fr/revue-esprit-2023-1-page-113.htm
  14. Maxime Lerolle, « Les indigènes sont les révolutionnaires de notre temps », 2 février 2023, https://reporterre.net/Les-indigenes-sont-les-revolutionnaires-de-notre-temps
  15. https://www.terrestres.org/author/sophiegosselin/
  16. https://agence.eau-loire-bretagne.fr/files/live/mounts/midas/Agence/D%C3%A9lib%C3%A9rations/CB%20du%207-07-2022%20-%20d%C3%A9lib%C3%A9

Liens externes[modifier]

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