Main basse sur une île
Main basse sur une île est un ouvrage collectif du Front Régionaliste Corse, un des premiers mouvements régionalistes apparus en Corse, paru en 1971 chez l'éditeur Jérôme Martineau. Ce livre signe la volonté d'une prise de conscience politique et s'inscrit dans le mouvement du riacquistu qui parcourra la Corse des années 1970.
Résumé[modifier]
Chapitre I : Le double échec historique[modifier]
La prise de conscience d’un sentiment national corse est venue des bergers et paysans. En 1358, Sambucuccio mène une révolution qui aboutit à la mise en place de la propriété commune des terres. Cependant, les notables trahissent la cause du peuple et rétablissent la féodalité.
La 2e étape de l’histoire corse se situe au XVIIIe siècle siècle avec la révolution corse et le gouvernement de Pasquale Paoli qui établit une constitution (1755) affirmant la souveraineté de la nation corse par le suffrage universel. La défaite des milices corses à Ponte Novu le 8 mai 1769 face aux troupes du roi de France met un terme à l’existence du peuple corse en tant que nation souveraine.
À cet échec politique s’ajoute un échec économique. Au XVIIIe siècle siècle, la Corse s’était couverte de châtaigniers, oliviers, vignobles, céréales. Les productions étaient exportées en “Italie“. La conquête française y mit un terme.
Au XIXe siècle siècle, une production minière et industrielle est démarrée (cuivre, plomb, amiante, argent, anthracite, mispickel, arsenic…). Mais les tarifs fiscaux et douaniers empêchent ce développement.
Coupée de son environnement tyrrhénien et entourée d’un cordon douanier, l’économie corse est réduite à néant. Le rôle de la Corse sera désormais réduit à fournir des hommes pour l’impérialisme français. C’est l’émigration militaire.
La guerre de 1914-1918 entraîne une perte irréparable pour la Corse : proportionnellement à sa population, l’île est le territoire qui a fourni le plus d’hommes.
Chapitre II : Une colonie à part entière[modifier]
1/ La Corse a une économie de type colonial :
- Les ressources physiques et humaines prennent la fuite vers l’extérieur : produits du sol et du sous-sol, bois, liège, lait, laine, peaux, vins de coupage, aliénation des terres agricoles au profit des « pieds noirs » et de l’industrie du tourisme. Fuite également des autochtones qui veulent échapper à la pauvreté. Cette émigration massive depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours a été voulue par la France mais aussi par la bourgeoisie locale afin de mieux asseoir son pouvoir.
- Les produits fabriqués et les cadres techniques et administratifs viennent d’ailleurs. La main d’œuvre est aussi étrangère.
- Il n’y a pas d’étape intermédiaire de transformation des produits de base : pas d’industrie.
2/ La Corse a 2 types de superstructures politiques :
- Le clan : c’est la famille agrandie au voisinage et employés. Le clan s’est développé car l’individu cherchait une protection face aux invasions et razzias. Aujourd’hui, le clan subsiste sous la forme du clientélisme : pratique du favoritisme dans l’attribution des emplois et des marchés.
- L’administration coloniale française : c’est une administration imposée et parachutée, plaquée artificiellement sur la Corse.
3/ Les différences entre le centralisme qui caractérise les départements français et le colonialisme qui caractérise la Corse:
- Départements : système centraliste
Un département est un découpage territorial artificiel. Les structures d’avant la Révolution française ont été abolies et remplacées par un préfet. L’administration parle la langue des administrés. Des services publics relient les départements entre eux : réseaux ferrés et routiers. Le chef lieu est au centre du département. Le préfet applique les décisions du gouvernement au besoin contre la classe dirigeante locale. Le capitalisme privé évite l’intervention du préfet.
- Corse : système colonialiste
Le territoire corse est celui d’une nation avec des limitations naturelles et historiques. Le clan a été maintenu et chapeauté par un préfet. La langue de l’administration n’est pas celle du peuple. Une entreprise détient le trafic. La capitale administrative tourne le dos au territoire. La classe dirigeante locale ne s’oppose jamais aux décisions du préfet et du gouvernement. Le capitalisme privé requiert l’appui du préfet face aux intérêts du peuple.
Chapitre III : Le grand dérangement culturel[modifier]
La Corse sert de réservoir humain à la France. La IIIe République y a puisé des hommes pour consolider et défendre ses conquêtes coloniales. La IVe République nourrit avec les corses ses guerres en Indochine et Algérie.
À cette émigration militaire s’ajoute une forte émigration civile qui s’accentue après la Seconde Guerre mondiale du fait de la disparition du régime autarcique qui s’était instauré pendant le conflit. Cette vague d’émigration se caractérise cette fois par le non retour des retraités.
La réduction de la substance humaine et la ruine économique ont permis l’assimilation culturelle. La politique d’assimilation culturelle s’en est pris au patrimoine toponymique et aux patronymes.
Censurée partout et à l’école, la langue corse ne pouvait évoluer ni être un moyen de promotion sociale ni donner lieu à une production littéraire et artistique.
Les monuments et le paysage corses sont méprisés : les églises romanes tombent en ruine, les fresques du haut Moyen Âge sont recouvertes par le badigeon, les pierres disparaissent sous le ciment, les tours et ponts génois sont laissés à l’abandon, la végétation est brûlée par les incendies faute de prévention et de moyens d’intervention.
La IIIe République utilise l’adhésion du peuple corse au catholicisme pour imposer le culte de Jeanne d’Arc, les drapeaux tricolore remplacent les bannières des confréries, les prêtres doivent prêcher en français.
Les Corses sont désormais persuadés de la supériorité de tout ce qui vient de France. La déculturation n’est plus seulement le fait de l’autorité politique et administrative. Les corses eux-mêmes rejettent leur langue maternelle, condition indispensable de la promotion sociale. Ils ne s’adressent plus en corse à leurs enfants et signent ainsi la mort de leur langue.
Chapitre IV : les contradictions de la politique de développement[modifier]
À partir de 1957, les pouvoirs publics français mettent en place une politique d’aménagement du territoire pour la Corse afin de l’intégrer à l’économie française et ainsi permettre à la France de soutenir la compétition capitaliste internationale.
Sont mises en place deux sociétés de développement : SOMIVAC pour l’agriculture industrielle et SETCO pour le tourisme. La SOMIVAC attribue les terres aux rapatriés notamment d’Algérie et discrimine les paysans corses. Le littoral corse est approprié par les trusts touristiques. Les denrées et le personnel viennent de France ou d’Italie. Les profits ne sont pas réinvestis dans l’île.
Cependant, les crédits de développement régional sont vite diminués et stoppés car la France doit prioritairement investir dans les régions déjà développées pour avoir un rendement maximum et rapide.
Bilan : pas d’industries créatrices d’emplois, l’agriculture aux mains des rapatriés, le tourisme aux mains des trusts nationaux et internationaux.
Chapitre V : Pour une voie corse au socialisme : illusions, réalités, espoirs[modifier]
L’oppression politique et économique a stérilisé les richesses de la Corse, l’a vidée de ses habitants et a détruit leur identité sous couvert de la fatalité géographique. C’est pourquoi il est permis de parler de colonialisme.
La solution est à la fois politique, institutionnelle et économique : propriété collective des rivages, des forêts, des mines, des transports, du tourisme ; promotion de la langue et culture corse ; renouer avec notre environnement méditerranéen et nos voisins ; préemption des sols agricoles et constructibles ; développer les formations porteuses d’emplois ; produire en Corse...
Notes et références[modifier]
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