La Famille Schroffenstein
La Famille Schroffenstein (titre allemand : Die Familie Schroffenstein) est la première pièce de théâtre de Heinrich von Kleist.
Kleist voyage de Dresde à Paris avec sa sœur, puis s'installe à Thoune en Suisse dans l'objectif de devenir agriculteur (projet qu'il abandonnera peu après). C'est au cours de ce voyage qu'il rédige sa première pièce de théâtre, une tragédie en 5 actes. Inspirée par Roméo et Juliette de Shakespeare, elle devait s'intituler « La Famille Thierrez » et se dérouler en France puis « La Famille Ghonorez » et se dérouler en Espagne, avant que Kleist ne déplace l'action en Souabe médiévale avec son titre définitif suivant les recommandations de son ami Ludwig Wieland (de), le fils de Christoph Martin Wieland.
Heinrich von Kleist publie sa tragédie anonymement en 1803, et la première représentation à lieu au Théâtre national de Graz[1].
Comme tous ses drames ultérieurs, la première œuvre de Kleist est radicale, contredit les conventions littéraires courantes de son époque, débordant de violence et de pessimisme et apparaît étonnamment moderne. Les contemporains de Kleist lui font une réception plutôt négative, et les critiques sont rebutés par la violence de l'œuvre et sa conclusion nihiliste.
De nos jours, on reconnait le caractère ingénieux de cette œuvre ambiguë et profonde.
Résumé[modifier]
Deux branches d'une même riche famille ont signé un accord selon lequel les biens de la famille devaient revenir à l'autre si l'une des branches venait à s'éteindre. En conséquence, les deux branches vivent à proximité l'une de l'autre et se vouent méfiance et antipathie, souhaitant mutuellement la disparition de l'autre[2].
La pièce commence avec la découverte du corps d'un des enfants, Peter, mort et mutilé (un doigt a été coupé). La famille commence alors une guerre ouverte, au grand drame d'Agnès et d'Ottokar, qui sont amoureux l'un de l'autre. Aidé de l'oncle Jeronimo, ils mènent l'enquête et découvrent que Peter s'est noyé par accident, et que la veuve du fossoyeur lui a coupé le doigt post-mortem dans l'idée de fabriquer une potion magique.
Malheureusement, au fil des péripéties, Agnès et Ottokar ont échangé leurs vêtements pour passer inaperçus dans la maison adverse, et ils se font tous deux tuer par leur propre père, qui pensent ainsi achever leur vengeance.
Les patriarches se réconcilient autour des cadavres des trois enfants.
Interprétation[modifier]
En fin de compte, aucun problème n'est résolu, le spectateur ne fait pas l'expérience de la catharsis. Kleist fait même dire à l'un des personnage de la pièce : « C'est amusant de rire à mort »[3] et à la veuve du fossoyeur, autrice de la mutilation : « Si vous vous suicidez, c'est un accident ! ».
Le biographe de Kleist Günter Blamberger divise le drame en trois tragédies[4] :
- La tragédie sociale
- la tragédie familiale
- la tragédie du langage/cognition
La tragédie sociale se ressent dans l'accord entre les branches de la famille, qui au lieu de les souder comme imaginé, les divise à mort. « Le contrat de succession fait partie de la question » dit le gouverneur de l'église à Jeronimo, c'est cet accord qui déchire la famille Schroffenstein et finit par l'exterminer (aucun héritier ne vit à la fin de la pièce).
La tragédie familiale est un conflit générationnel. Les enfants (et quelques autres personnages, notamment un enfant illégitime) sont en opposition avec leurs autorités paternelles respectives qui veut les contraindre à la haine. Kleist se démarque des auteurs contemporains où l'opposition se fait entre la bourgeoisie et la noblesse.
La tragédie intellectuelle est une constante dans l'œuvre de Kleist, qui, bien qu'issu d'une famille noble, est désargenté et n'a pas terminé ses études. Sa « crise kantienne » (la lecture de Kant le plonge dans une mélancolie profonde) le pousse à rejeter la philosophie des lumières et la foi dans le rationalisme. C'est une erreur de jugement sur la cause de la mort de Peter qui ouvre la pièce et une autre sur la reconnaissance des enfants qui la clos. Les protagonistes n’apprennent rien et sont guidés par la peur et la vengeance plutôt que par la raison.
Adaptations[modifier]
Hans Neuenfels adapte la pièce le cinéma en 1983. Son film « La Famille ou Schroffenstein » a été produit pour ZDF.
Bibliographie[modifier]
- Louis Gerrekens: Die Familie Schroffenstein. In: Kleist Handbuch, Leben-Werk-Wirkung. Hrsg.: Ingo Breuer. Verlag J.B. Metzler, Stuttgart/Weimar 2009.
- Günter Blamberger: Heinrich von Kleist. Biographie S. Fischer Frankfurt a. M. 2011
- Dieter Heimböckel: Die Familie Schroffenstein. In Heinz Ludwig Arnold (Hrsg.): Kindlers Literatur Lexikon 3., völlig neu bearbeitete Auflage. 18 Bde.Metzler, Stuttgart/Weimar, 2009 (ISBN 978-3-476-04000-8), Bd. 9, S. 137–138.
Notes et références[modifier]
- ↑ Axel Schmidt 2006.
- ↑ Kleist, Heinrich von: Sämtliche Werke, Droemersche Verlagsanstalt Th. Knaur Nachf. München/Zürich 1961, S. 52: I,1
- ↑ Kleist, Heinrich von: Sämtliche Werke, Droemersche Verlagsanstalt Th. Knaur Nachf. München/Zürich 1961, S. 130: V, 1
- ↑ Blamberger, Günter: Heinrich von Kleist. Biographie S. Fischer Frankfurt a. M. 2011, S. 175
Liens externes[modifier]
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