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Choses et autres, 1

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Choses et autres, 1 ✒️📰
Thème




"Je m'amuse à des choses auxquelles on ne prendra peut-être pas garde." (La Fontaine)


De ces choses étonnées d'elles-mêmes.


Les pierres, c'est sûr, elles veulent rester où elles sont, passer leur temps à peser sans penser. Et, quand on les lance en l'air, elles résistent et retournent aussi vite qu'elles le peuvent, à leur travail.



Les bonnes mousses. Elles ont la passion des chaudes générosités. Elles aiment à habiller chaudement les pauvres choses de la forêt. C'est ce qu'elles préfèrent. Les pauvres pierres oubliées depuis tous les temps, les souches mortes de désespoir, les humbles humus de la terre. Alors que les herbes sont plus folâtres, plus sensibles à ce grand fou de vent.


Les fleurs, elles se font belles, elles se parfument, elles se dandinent. Les petites, souvent, se cachent un peu, c'est vrai. Voilà pourquoi elles sont si tristes si on ne les regarde pas. Si tristes qu'elles se laissent mourir, toutes fanées.

Les fleurs s'épuisent d'exhibitions sans retenue jusqu'au flétrissement

Et se laissent choir éparpillées

Résignées aux détournements des regards.


On comprend le "conatus" à regarder les choses tout occupées, acharnées à demeurer, tout entiéres se donnant, absolument fidèles et obstinées, à leur vocation. L'homme, lui, ne réussit pas à se maintenir dans sa vocation. Il cherche à imposer des au-delà à cette vocation absurde et acharnée.


Recouverte de vignes, la maison frissonne sous les vents d'orage.

Une pluie qui n'ose pas et le sol qui attend.

Une journée qui se traîne sous un ciel triste et veule.

Les saisons, c'est le temps qui passe, scandé par le temps qu'il fait.

Les arbres, ça ne part pas. Jamais. Mais ça s'agite. Souvent trés mollement, par ennui ou pour bercer les oiseaux. Mais parfois si furieusement que leurs feuilles, apeurées, s'en vont suivre les grands vents fous.

L'arbre s'installe, demeure, vénère son lieu et l'épouse.

Les arbres s'occupent avec longues lenteurs à se répandre dans les sols cependant qu'ils s'étirent dans les airs, dessinant la symétrie cachée des branches et des racines.

Se doivent de soigner leurs relations avec leurs voisins qu'ils ne peuvent fuir, à qui ils ne peuvent même tourner le dos.

Ils effleurent doucement, du bout des doigts, les branches de leurs voisins quand la bise, paresseusement, les remue.

Les arbres se sont endormis sous leurs écorces et traversent l'hiver avec patience, nus.


Le liseron, il est très affectueux. Trop affectueux à enlacer tout ce qui pousse à portée de main.


Le géranium. Il est très curieux, trop curieux, toujours penché à la fenêtre à regarder tout ce qui se passe dans la rue.

Grande dame toute en dignité dans sa robe mitée. La rose trémière.

Les roses sont des allumeuses : elles séduisent mais ne veulent pas qu'on les approche.


Pourquoi n'y a-t-il jamais rien de comique dans le monde végétal ?


L'arc en ciel, que les vents ne peuvent agiter, balancer, ni remuer.

L'arc en ciel, impassible dans les vents.


Pauvres poissons muets. Qu'en serait-il de la paisible quiétude des pêcheurs à la ligne si les poissons hurlaient de douleur et d'effroi en étant arrachés hors de l'eau, la gueule déchirée par l'hameçon ?


Les livres, ces immenses discours muets, attendent.

Ils attendent, sans impatience, serrés les uns contre les autres, ensommeillés et songeurs, qu'un regard réveille leurs sens.


Les pommes.

À peine mûries,

Déjà dissipant des odeurs douceâtres.

Et leur être, doucement, les laisse aller à leur flétrissement

Sur les couches de paille

Dans les nuits d'hiver des caves.

"Dans la vitrine, la volonté crispée d'être ce qu'elles sont". Ainsi va "leur vie opaque et lente". (Bruno Schultz)


Le vieil arbre desséché

Fiché dans les sols

Par ses vies toutes de résistance

Maintient son être

Au-delà de la mort.



Notes pour la nuit :

"La nuit remue" (Michaux) les vieux souvenirs et se forment de "noires songeries" (Baudelaire).

Michaux le dit : la nuit n'est pas immobile, elle "remue". Elle remue doucement les lies décantées de la mémoire et soulève de vieilles pensées qu'on ne veut plus. Réveille de "noires songeries" qu'on croyait pour toujours disparues mais qui n'étaient que tapies et attendaient, ne laissant aucune des vieilles morts ni des vieux remords définitifs. Tout est resté là. Et en d'immenses patiences, attend les remuements de la nuit.

Mais chaque nuit est seule et enfermée en elle-même : "Les nuits, les nuits n'ont pas d'histoire. Elles ne se lient pas l'une à l'autre." (La poétique de la rêverie, Gaston Bachelard). Les nuits nous donnent chaque fois la possibilité de tout recommencer.

"Dehors bruissait la nuit inépuisable et emmêlée." (Bruno Schultz)

La nuit nous ouvre sur les immensités de l'univers alors que le jour nous enferme sur notre planète. S'inversent les visibilités du fini et de l'infini, du local et du total.

Quand la nuit tombe sur un paysage de neige, la lumière descend du ciel et se pose sur la terre. Le ciel est noir, la terre est blanche.

Il y avait un rossignol et une nuit.

La lune ne nous envoie qu'une lumière d'occasion, de deuxième main. De fait, elle ne nous éclaire pas, elle se montre. Non, je suis injuste : il faut lui reconnaître ceci qu'elle a le mérite de nous éclairer la nuit, alors que le soleil nous éclaire en plein jour, ce qui est inutile.

Ces réminiscences qui s'évanouissent avant qu'on ait le temps de les démêler. Ces bouffées de souvenirs tellement éphémères qu'ils ne laissent que des traces de sensations vidées de leur sens et qu'on ne peut retenir. Vaines tentatives de les faire renaître et vivre. Évasives, exactement. Retour à la nuit.

Des nuits flasques et inutiles.

Le temps des pensées alanguies.

Trop tôt, la campagne dort encore sous sa couette de brume.

L'insomnie : quand on refuse de se quitter soi-même. Quand on refuse de se confier à "la petite mort". Quand on ne croit plus aux résurrections du matin. Quand on a perdu la foi.

Les insomniaques sont des incroyants.

L'homme, animal insomniaque : le seul à "chercher" le sommeil.

Le sommeil, donc, cette petite mort que l'on cherche, confiants dans l'au-delà de la nuit, confiants dans la résurrection. C'est un acte de foi.


Le nombril, cette petite promesse.

Le vestige de quel cordon ombilical, le nombril d’Eve est-il ?


Trouver de la poésie dans les tortures qu'infligent aux bûches les flammes dans la cheminée !


Morts.

Il est mort comme ça, absurdement, comme une horloge s'arrête dans la nuit, qu'on a oublié de remonter le soir. Un arrêt.

C'était une petite vie qui émergeait à peine.

Pas d'exigences post-mortem surtout. Ni pleurs ni couronnes.

À tous ceux qui sont morts et que ne maintient plus aucun souvenir. Deuxième mort, sans date et sans fin, sans épitaphe. Disparus dans les nuits immobiles, "il ne s'en parle non plus que s'ils n'eussent jamais été" (Montaigne).

"Si parfaitement oubliées qu'on les croyait depuis longtemps mortes quand elles moururent." (Montaigne)

C'est la fin, il va falloir cesser de patacher inutilement au milieu du monde.


Faire de la mort un mystère, c'est encore une manière de consolation, l'ultime, peut-être : mieux vaut s'efforcer de croire en l'incertitude qui ménage l'espérance, que d'admettre la certitude du rien. En effet il y a désespoir quand on sait avec certitude qu'on ne pourra pas échapper au malheur, quand l'advenue du malheur est certaine, quand, de la venue du malheur "il n'y a pas de raison de douter" dit Spinoza, quand on ne peut plus demeurer dans cette confortable incertitude qu'est ce mélange de crainte et d'espoir. Bref, il y a désespoir quand le doute n'est plus permis. C'est pourquoi, devant la mort il faut maintenir le doute, il faut affirmer que de la mort on ne peut rien savoir. Retournement, alors, de la formule traditionnelle "tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir" : "tant qu'il y a de l'espoir il y a de la vie". On peut continuer à croire qu'il y a de la vie au-delà de la mort. C'est l'espérance.

"Familiarise toi avec l'idée que la mort n'est rien"... Mais c'est précisément cette idée que la mort n'est rien ou plutôt est le rien définitif et absolu avec laquelle il est impossible de se familiariser. C'est une des idées à la forme la plus étrange : on sait du savoir le plus certain qui soit que là est la vérité (jamais, depuis qu'il y a des vivants on a pu faire de la mort une autre expérience que celles de la putréfaction, de la désintégration, du retour au néant), malgré l'incertitude factice qu'on se plaît à cultiver pour y échapper. Mais c'est la vérité la plus insupportable qui soit à laquelle on refuse de penser et d'adhérer. Le savoir le plus certain est en même temps le plus résistant à la croyance (Le savoir ne concerne que l'intellect, la croyance se répand dans la totalité du psychisme, en imprègne la force vitale : l'effectivité). Je sais que je vais mourir mais je n'y crois pas. Savoir certain et croyance impossible. Définition de la tragédie.

C'est certainement aussi l'origine de toutes les croyances, au sens de ce à quoi j'adhère en dépit du savoir. La croyance en ce sens n'est pas ignorance, absence de savoir puisqu'au contraire elle est une réaction à un savoir insupportable, savoir que, donc, elle suppose  : "la croyance, dit Clément Rosset, n'est pas une ignorance mais le refus de tirer les conséquences de vérités qui s'imposent avec trop d'évidence".

Les croyances sont des constructions mentales pour lutter contre le désespoir.

À partir de maintenant j'ai décidé de n'aller plus qu'aux obsèques de ceux qui viendront aux miennes.

Laissons donc à la mort ses tristesses.


Mais où donc vont les bruits qui passent ?



Que la vache soit un animal sacré, c'est beaucoup plus vrai à Calcutta que dans le Charolais.


Les larmes, humeurs à tout faire : joie et malheur.


Aller s'éteindre doucement dans des villages perdus. Espérer des révoltes contre l'ennui, des reprises de possession.


La recherche de ses racines relève d'une mentalité de légume, d'une mentalité végétale.


La cheminée, ce petit chemin qu'empruntent les fumées pour gagner le ciel.

Les routines, ces petites routes sans surprises.


Une forêt farfelue court sur les flans des collines.


Un paysage flasque, des courbes molles, lascives et mouillées.



Hivers.

L'hiver marque les différences entre richesse et pauvreté, "entre bombance et souffrance" (je ne sais plus qui est l'auteur de cette formule). C'est ce que nous enseigne "la petite fille aux allumettes".

Les arbres, bêtement, se dénudent l'hiver.

Dans les arbres défeuillés de l'hiver, des vies se sont retirées, tapies, réduites, endormies, et attendent.

Quand les immenses solitudes du froid sont derrière la fenêtre et que la cheminée nous donne à les contempler sans les vivre.

Jouir de n'être pas là où le regard est indolemment attiré : l'hiver est là.

La tentation de l'hibernation et le refus de s'y abîmer.

Les soirs d'hiver, dispersées dans la campagne, les chaudes fenêtres oranges des foyers, dans les soirs bleus et froids, regardent, indifférentes.

Longtemps l'hiver ne fut qu'attente, toute autre saison occupée à en préparer la traversée en sécurité. La modernité a réduit l'essence de l'hiver : l'attente, la crainte, l'espoir. C'est dans l'hiver qu'ont germé la foi et l'espérance car elles sont des attentes.

Merveille de la neige, alors : la clarté, la blancheur, la lumière dans le froid.

Des neiges douces, hésitantes, se posent.

Se souvenir des soirs de neige, les flocons dans les réverbères.

Mais les neiges, mouillées, imbibées de pesanteur.

Quand le soir on n'entend plus dans les rues et sur les toits que les bruits aplatis et mouillés de novembre.

La tristesse, visqueuse, se répand dans les bois, sur les champs. Pluies froides de l'hiver.

Des pluies sans vigueur, mais mollement inlassables, se laissent tomber sur des sols détempés et gris.

Tout est aplati, réduit, sans plus aucune beauté.

Le contentement mélancolique des campagnes.

Des soirs gris et enfumés de fin des temps que toute lumière abandonne, lentement.

Le jour n'avait guère envie de se lever ce matin.

Le givre que le soleil, lentement, au long des matinées, décroche des branches,

L'humilité des ruissellements.

La pluie est un retour. Triste de quitter les cieux, heureuse de rentrer chez elle.

Les sapins, vieillis de leurs lichens, portent précautionneusement les neiges.

Aujourd'hui, il ne s'est passé qu'une chose, si on excepte les tremblements mous des chatons pré-printaniers des noisetiers : un merle, dans le cerisier nu, m'a regardé... de son bec jaune.

Un rouge-gorge, seule couleur dans le matin gris de l'hiver.

Quand, l'hiver, ne reste de la vie que des ronronnements étouffés et lointains.

Les délicieux repliements dans les journées grises de l'hiver. J'aime les confinements contraints par les hivers.

Quand quelques rares feuilles jaunes et fatiguées se tiennent encore aux grilles noires.

Des mésanges, dans le soir de ce coin d'hiver, agrippées aux boules de nourriture qui pendent sous la glycine.

Ce sont simplement des collines sans ambition.

Des cieux qui se traînent, des nuages sans désirs.


Longue musique. Pâle et douce qui tire lentement les temps.


L'agitation animale,

Les lenteurs végétales,

L'immobilité minérale.


La poésie : le son, le sens et l'émotion ne font plus qu'un. Il n'y a plus de poésie là où un décryptage qui les sépare est nécessaire.

Contre la poésie des connivences. La nature est belle par son indifférence. Pas de coquetterie : indifférence vraie. "La rose est sans pourquoi. Elle fleurit parce qu'elle fleurit sans aucun souci d'être vue" (Silésius).

La poésie et le savoir : la sublime indifférence de la nature assure au savoir qu'elle ne se cache derrière aucune pudeur.

La poésie, l'être qui se contemple en vérité. La philosophie, l'être qui cherche son sens. La science, l'être qui s'explicite.

La poésie, narcissisme du langage. Le langage qui se contemple lui-même. La philosophie, narcissisme de la pensée. Narcisse ne se contemple pas lui-même, mais son image...

L'être du ruisseau, tout entier occupé à ses précipitations.

Les nuages aiment à être confiés aux vents indifférents et tout occupés d'eux-mêmes.

Trahi par les siens, le poète, aussi, finira rongé par les vers.

Un merle siffle : une poésie perdue.

Aimer la nature : la contempler dans sa belle indifférence.

Le beau : non pas désirer posséder, s'approprier, mais se réjouir de ce que ce soit, désirer laisser être.

Si rare le langage sur mesure. Que du prêt-à-porter.

Le commun c'est à la fois ce qui est partagé et ce qui est le plus ordinaire. Peut-on partager l'exceptionnel ?

Les résistances de la durée. Les impassibles indifférences de ses écoulements.

Fasciné par les patientes durées : l'arbre dure sans précipitations.

Le langage n'est pas un outil pour la pensée. Le langage c'est de la pensée qui s'est déposée, sédimentée mais prête à revivre.

"Une sorte de spiritualité léthargique sommeille dans notre langage" (Jankélévitch, Traité des vertus, 2, p.294).

Mais il arrive qu'on utilise des fossiles comme pierres de construction.

La difficulté de définir la bêtise est dans le soin qu'on doit prendre pour ne pas y être inclus.


Je vois ce soir les vaches rentrer paisiblement. Je les regarde pour toi.



Quand l'allumette, après une interminable vie de promiscuité, au fond d'une triste boite et au milieu de sœurs toujours moins nombreuses, découvre enfin, au dehors, le sens de sa vie, c'est sa fin, mais lumineuse.

Y a-t-il dans la flamme une volonté de survivre ? Elles semblent tellement lutter jusqu'au bout !

Mais pourquoi des buffets ? C'est que derrière leurs portes, lourdes, attendent des passés, des patiences, des passions.

La montre sur le bois de l'étagère. On entend le temps marcher doucement.


La fraîcheur pressée des soirs de printemps.

Des pluies comme des douceurs interminables.

Et les vents doux osent à peine déranger les feuilles.

Le gazon, honnête, continue à pousser même quand j'ai le dos tourné.

Jardiner : plaisir de donner la vie pour le plaisir de la consommer toute fraîche, de la déchirer, palpitante encore, sous la dent.

Le ciel de l'aube si pâle posé sur le bleu si pâle de la mer. Ils ont du mal, ce matin à se séparer.

Retours dans les pâleurs.

Quand l'orage vient éteindre les moiteurs visqueuses.

Quand il vient faire se relever les senteurs de la terre.

La majesté ridicule des gallinacées.

L'eau se cherche cependant qu'elle trace son chemin. Elle le cherche en même temps qu'elle le fraie, le creuse dans la roche. L'eau trouve-t-elle ou trace-t-elle son chemin ?


Irlande.

Un océan gris dont s'approchent de prudentes prairies.

L'océan, un immense remuement. Une immense puissance qui s'épuise en quelques vaguelettes et quelques franges d'écume sur le sable.

Le cri bleu des mouettes.

Des routes qui sinuent gratuitement et gracieusement entre des murets de pierre qui les protègent de l'agressive verdure.

De tendres lieux de perdition.