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Économie de la considération

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L’économie de la considération représente une nouvelle qui modifie la relation entre l'entreprise et ses clients, et plus largement entre l’entreprise et ses parties prenantes (internes/externes).

Le terme considération est emprunté au latin classique consideratio, qui signifie "examen attentif" par les yeux, par l'esprit, mais aussi l’égard, l'estime pour quelque chose ou quelqu'un. Ainsi, l’économie de la considération traduit un mouvement de fond : le passage d’une économie dominée par l’offre à une économie basée sur la demande, des clients notamment.

Il faut dès lors repenser l'interaction avec le client pour l'inscrire dans la durée. Cela se traduit par l'établissement d'un rapport équitable entre l'entreprise et son client, en apportant plus d'attention à celui-ci et en reconnaissant ce qu'il apporte à l'entreprise, au-delà d'un aspect purement financier.

La considération induit ainsi un équilibre – certes fragile – des forces entre l'entreprise et son écosystème : l'environnement, le respect des normes et de l'Humain, mais aussi les fournisseurs, les salariés et les clients. Les relations avec les différents acteurs s'envisagent de façon pérenne, s'inscrivent dans la stratégie à long-terme de l'entreprise. Au-delà de l'environnement, un des enjeux majeurs consiste en la valorisation des fournisseurs, mais aussi des salariés, qui viendront directement affecter les clients par le principe de symétrie des attentions.

Historique[modifier]

Le terme de « considération », bien que couramment utilisé, est un concept nouveau dans l'interaction client, dans la continuité du chemin parcouru par l'entreprise dans sa relation avec son client. Il englobe les notions historiques de transaction, de relation client, et d'expérience client, mais constitue désormais une étape ultime.

La considération, peu abordée jusqu’à aujourd’hui sous ce nom, est pourtant amplement promue par les académiciens. Elle porte le nom de 'symétrie des attentions', de 'customer centricity[1]', ou encore de 'gratitude'[2], sans toutefois englober la considération dans toute sa complexité. Les dirigeants d'entreprise, rencontrés dans le cadre de l'étude Club Med x Roland Berger, se sentent également impliqués par l'évolution de la relation client vers plus d' 'engagement', d' 'authenticité', d' 'équité', de 'confiance', d' 'attention', d' 'empathie', et de 'fidélité'[3].

En 2012, David « Doc » Searls publie un livre intitulé « L’économie de l’intention : quand les clients se prennent en charge ». Il est l’auteur du concept de l’économie de l’intention dont l’approche se construit autour des consommateurs. Il tire parti du simple fait que les acheteurs sont la principale source de profit et qu’ils sont prêts à l’achat. Vous n'avez pas besoin de publicité pour les inciter à consommer un produit, si celui-ci est aligné avec ses aspirations et ses convictions.

Pour Doc Searls :

« Si le marketing a été inventé, c’est tout simplement parce que les marchés étaient muets. Des décennies durant il a été le porte-parole des marchés parce que les individus ne pouvaient pas – factuellement – le faire par leurs propres moyens. Aujourd’hui, les marchés – c’est-à-dire les personnes – gagnent jour après jour de nouveaux moyens d’exprimer leurs besoins, leurs préférences, leur politique. Il ne faudra pas longtemps aux entreprises les plus intelligentes pour voir quel genre d’avantage elles peuvent tirer de ces capacités nouvelles qui apparaissent chez les clients. À long terme, les gagnants seront ceux qui auront réussi à reconnaître dans le client le partenaire d’une relation authentique, plutôt qu’un simple « actif » ou une « cible » à « capturer » »[4]

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Dès lors, la relation entre l’individu et l’entreprise tend de plus en plus vers un échange qu’un rapport de force. Les idées de Doc Searls font échos aux réflexions du Club Med, et plus précisément de Sylvain Rabuel. En 2015, alors Directeur Général France Europe Afrique, il souhaite réinterroger le rapport existant entre le Club Med et ses clients. Il est en effet persuadé que les évolutions technologiques en cours vont redonner du poids aux choix des clients, actant ainsi le passage d’une économie de l’offre à une économie de la demande. Accompagné par Marion Darrieutort, CEO de l’agence conseil Elan Edelman, il évoque pour la première fois l’existence d’une économie de la considération. L’idée fondamentale étant qu’en écoutant davantage les besoins exprimés par ses clients, l’interne, ou ses parties prenantes, l’entreprise va produire davantage de valeur.

Xavier Mufraggi, Directeur Général France Europe Afrique, qui a succédé à Sylvain Rabuel en [5], présente l’économie de la considération comme la norme de demain, essentielle à la survie d’une entreprise. Il conçoit comme essentiel de prendre le temps d’appuyer sur le bouton pause pour prendre le temps de se considérer soi-même pour ensuite pouvoir considérer ses clients, ses collaborateurs, ses parties prenantes. En effet, dans un monde de plus en plus rapide et globalisé, chaque individu cherche à « être considéré » pour ce qu’il est et sa singularité et attend d’une entreprise qu’elle entende et réponde aux formulations et aux valeurs exprimées. Pour Xavier Mufraggi « la considération n’est pas une approche marketing destinée à séduire les clients. C’est un choix stratégique. Un engagement culturel total qui transforme les entreprises en profondeur. La condition d’une considération efficace reposant finalement sur un juste équilibre entre les attentes de nos parties prenantes et les coûts engagés »[6].

Définition du concept[modifier]

Sur-sollicité avec le développement du digital, le stress d'une vie urbaine, le consommateur manifeste l'envie d'un retour aux fondamentaux d'une société idéale : respect, politesse, écoute. Lorsque l'on demande aux consommateurs ce qui les fait se sentir considérés, ils citent en premier la reconnaissance de leur fidélité, la prise en compte de leur avis, et enfin, le respect. Pour les clients, cela signifie que l'attention qu'ils reçoivent de l'entreprise doit effectivement correspondre à ce que cela leur coûte d'investir dans la relation – pas uniquement financièrement, mais aussi en termes de coûts psychologiques, d'énergie, et de temps. Les entreprises à l'ère du digital doivent être de plus en plus vigilantes par rapport à leur écosystème, les personnes les plus engagées vis-à-vis de leur marque - créant et partageant du contenu - n'étant pas nécessairement leurs clients.

Ainsi dans l’économie de la considération, il s’agit, au-delà des notions historiques de relation ou d'expérience client, de considérer le client comme une personne à travers ses émotions, valeurs et croyances au sein de son écosystème, pour établir une relation de confiance durable.

La considération va par ailleurs au-delà du client et repose sur trois piliers : le client, l'interne et les parties prenantes de l’entreprise.

À travers les différentes initiatives mises en place, des résultats positifs ont été observés notamment au sein de Carglass, ou encore AirBnb[7]. Le travail mené par Club Med avec le Cabinet Roland Berger met ainsi en avant la création de valeur de l’économie de la considération dans un livre blanc[8] disponible sur le site internet economiedelaconsideration.fr.

Application en France[modifier]

En France, plusieurs entreprises commencent à prendre ce virage de la considération. Lorsque l'on donne la parole aux dirigeants d'entreprises, aux experts ou encore aux consommateurs, on constate une certaine diversité dans l'appréhension de la considération. Il en ressort néanmoins un cœur commun : tous soulignent la nécessité de repenser la relation avec le client et de l'inscrire dans la durée, en lui apportant plus d'attention et en reconnaissant ce qu'il apporte à l'entreprise, de manière à établir un rapport équitable entre celle-ci et le client.

Pour les clients[modifier]

La bascule progressive d’une économie de l’offre vers une économie de la demande, dans laquelle le client est désormais en position dominante, a pour conséquence un changement de paradigme pour les entreprises dans la relation client qu’ils entretenaient. L’utilisation des datas ne suffit plus, il faut savoir les lire et les approfondir pour connaître ses clients et proposer une expérience client forte, privilégiée et créatrice de valeur.

Aujourd’hui, 80 % des entreprises pensent entretenir de bons rapports avec leurs clients, leur fournissant un service de qualité supérieure, mais 8 % seulement des intéressés partagent en réalité ce point de vue[9]. Cette différence de perception est immense et constitue un impératif à repenser totalement les relations entre les entreprises, leurs clients et leurs parties prenantes. Les entreprises prennent peu à peu conscience de ce fossé qui s’est créé, mais peinent à mettre en place des solutions efficaces.

L’avènement du numérique doit être identifié par les entreprises comme une chance, au service d’une meilleure attention et expérience client et d’une relation davantage conversationnelle et horizontale.

Plusieurs entreprises se sont lancées dans cette démarche et aujourd’hui vont plus loin dans la considération des attentes des clients en les intégrant aux décisions de l’entreprise et en dessinant ensemble son modèle demain[10]. Ces dernières années ont émergé des plateformes participatives auxquelles les clients sont sollicités pour mener les réflexions stratégique de demain. Cela permet ainsi de renforcer la relation de proximité entretenue avec la marque, et également, par l’équilibre des forces et des attentions de pouvoir davantage renforcer l’expérience client et la fidélité. À travers différentes études, on a pu ainsi remarquer un impact positif sur le nombre de commandes, multiplié par 1,6, et sur les différents leviers sous-jacents, comme le taux de fidélité, multiplié par 1,7, ou encore le taux de réachat, multiplié par 1,9[11]. En effet, 66% des consommateurs déclarent changer de marque en l'absence de considération[12].

Pour les parties prenantes[modifier]

La protection et la valorisation des fournisseurs est une préoccupation grandissante, amplifiée dans l'alimentaire par l'opinion publique – les entreprises sont de plus en plus nombreuses à considérer leurs fournisseurs comme des partenaires, co-construisant des offres et des process avec eux, et rétablissant un équilibre des forces. La création de valeur au sein d’une filière se construit ainsi avec l’ensemble des parties-prenantes, intégrant une considération mutuelle et une juste répartition de la valeur pour une satisfaction du plus grand nombre.

Pour les collaborateurs[modifier]

Les entreprises aujourd’hui portent de plus en plus d’importance au bien-être de leur salarié qui deviennent les ambassadeurs de l’entreprise au quotidien, relai de la marque employeur et garants de la relation et l’expérience client. La considération de ces acteurs est devenue primordiale et des initiatives se multiplient pour les intégrer davantage à la stratégie de l’entreprise.

À titre d’exemple, Club Med a ouvert son comité de direction à ses employés afin de les intégrer davantage aux processus de décision[13]. Force de propositions et au plus proche des clients pour connaître leurs attentes, il contribue de façon positive et sont par conséquent également créateurs de valeur ajoutée économique pour l’entreprise. C’est également en ce sens qu’Air France a mis en place une Démarche d'Innovation Participative. Les idées mises en place en 2014 ont permis d'économiser environ 25 millions d'euros. Le bénéfice de l'initiative est sans doute encore plus important selon la compagnie aérienne, certains impacts n'étant pas toujours quantifiables ou financiers.


Notes et références[modifier]

  1. (en) Sheth JN, Sisodia RS, Sharma A,, The antecedents and consequences of customer-centric marketing, Journal of the Academy of Marketing Science,
  2. Myriam Monla, Gratitude/ingratitude : un objet de réflexion pour le monde de l'entreprise ?, Annales des Mines – Gérer et comprendre,
  3. Roland Berger et Club Med, Entretiens dirigeants menés conjointement par Roland Berger et Club Med de Janvier à Avril 2019
  4. http://parisinnovationreview.com/article/economie-de-lintention-les-consommateurs-aux-commandes
  5. « Club Med : Sylvain Rabuel s'en va », Quotidien du Tourisme,‎ (lire en ligne)
  6. Club Med, « L'économie de la considération », sur economiedelaconsideration.fr/
  7. « Emmanuel Marill (Airbnb) : la considération, au coeur de l'expérience », Viuz,‎ (lire en ligne)
  8. « Le Livre Blanc sur la considération »
  9. Jonathan Lefèvre, L'obsession du service client,
  10. « Sylvain Rabuel : « Ouvrir le codir aux clients, c'est aller au bout de la logique » », Les Echos,‎ (lire en ligne)
  11. (en) Adobe Forrester, The business impact of investing in experience
  12. (en) Freeman,Spenner and Bird, Three myths about what customers want, Harvard Business Review,
  13. « Des clients au CODIR ? Le pari du Club Med pour inspirer la confiance… et les vacances. », Hub Institute,‎ (lire en ligne)


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