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Obsolescence et éternité

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Obsolescence et éternité ✒️📰
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Hannah Arendt distingue le travail du labeur par leur temporalité.

Le premier, c'est de l'éphémére non en un sens seulement quantitatif mais en ce sens que le produit est destiné à être détruit, c'est-à-dire consommé, assimilé, digéré et parfois aussi tôt que possible (catégorie du frais). C'est le travail de l'agriculteur, du charcutier, du cuisinier, etc.(1)

Le temps du labeur est celui qui dure, ou est censé durer (car c'est aussi le temps de l'usure, parceque de l'usage). Espoir cependant de durer. C'est ce que produit l'artisan ou l'industrie, c'est celui des meubles et des immeubles, des outils, des appareils et des instruments, etc.

Mais l'économie industrielle spéculative moderne a tendance à réduire les produits du labeur à des produits de consommation : il faut que le lave-linge finisse, assez rapidement, par se détruire (l'idéal est de programmer sa destruction pour le lendemain de la limite de garantie) et ceci pour que le lave-linge devienne un objet de consommation, un objet dont la mort, l'obsolescence, est programmée, celui donc qui, aussi, est produit pour être détruit ou plutôt se détruire.

Il y a donc certainement deux types distincts des produits du labeur, séparant peut-être l'industrie spéculative de l'artisanat : ceux à mort programmée qui ne peuvent que perdre leurs propriétés en vieillissant, que s'enlaidir (le design comme principe de mode). La catégorie qui les valorise est celle du neuf, du nouveau. Ce qui fait la valeur des nouvelles technologies, c'est précisément et principalement d'être nouvelles. Pas de tradition ; du passé, il faut faire table rase. On n'imagine pas encore que les i-pods deviennent des objets recherchés chez les antiquaires. Là se superpose à l'obsolescence, susceptible de mauvaise presse, le phénoméne de la mode qui consiste à n'attendre pas que l'objet ait cessé de fonctionner pour perdre sa valeur. La mode, perte de valeur programmée, obsolescence esthétique. C'est la fonction du design, par exemple.

Le second type d'objets du labeur, plutôt artisanaux qu'industriels, ce sont ceux qui se valorisent en vieillissant, ceux qui prennent de la patine, la valeur de l'usage, de l'usure (concept strictement inverse de celui de mode), qui deviennent beaux de devenir anciens, qu'on entretient, préserve. En cela ils font le passage vers un autre type d'objets : ni ceux du travail, ni ceux du labeur, mais ceux de l'oeuvre : les objets de l'art dont le rapport à la temporalité est celui d'une éternité de droit : ça ne vaut ni d'être jeune ni d'être vieux ; ça ne doit pas valoir de vieillir ni seulement d'être ancien, ils se doivent, dès leur surgissement, d'être hors du temps. De fait, certainement, peu réussissent à s'émanciper du temps. Il se peut que, même des oeuvres se réduisent à la consommation, celles dont la valeur s'épuise dans le temps même de leur production et qui perdent tout à vieillir, qui finissent par "dater" (il existe aussi un art de l'éphémére : à destination des consommateurs modernes ?). Si les oeuvres s'éternisent c'est qu'elles ne servent à rien. C'est leur inutilité qui les fait sortir du temps. Les objets du travail et du labeur sont, eux, dans le temps, asservis au temps parcequ'ils servent : ils se détruisent ou s'usent. C'est pourquoi, inversement, les objets du labeur entrent dans la catégorie des oeuvres quand, à proprement parler, ils ne servent plus, qu'ils peuvent alors être pris en considération pour eux-mêmes (contemplation) et non plus comme "outils" ou quand leur fonctionnalite n'intéresse plus (voir les souliers du paysan peints par Van Gogh et l'analyse que fait Heidegger de ce tableau dans "Origine de l'oeuve d'art" ; l'exemple de sujet d'oeuvre d'art, pour Heidegger, c'est cet objet utilitaire usé par le travail et qui ne sert plus), ce qui peut valoir aussi pour les objets de l'industrie : on peut colĺectionner des voitures anciennes donc des objets d'abord produits du labeur mais alors ce n'est plus pour se rendre quotidiennement au travail.


(1) L'éphémère qui caractérise les objets de consommation ne s'entend pas que dans son sens quantitatif : on peut les conserver. Mais le temps de la conservation est un temps inerte, c'est du temps mort, du temps vide, congelé, et on a tout de même, en général, intérêt à les consommer frais, à les détruire aussitôt que produits, à les consommer aussitôt que cueillis. Il est vrai cependant que certains produits de consommation gagnent à vieillir : les vins et les fromages (dont il y a beaucoup à dire sur les temporalités...), par exemple. C'est qu'ils pénétrent partiellement (toujours soumis à péremption) dans la troisième catégorie d'objets, celle des oeuvres. Mais ils restent sur le seuil de la troisième catégorie : valoir de vieillir, c'est encore rester dans le temps, c'est valoriser le temps, non s'éterniser.