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Dans le temps

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Dans le temps est le premier roman d'Olivia Rosenthal, publié en 1999 aux éditions Verticales. Comme l’annonce son titre, qui reprend les derniers mots du Temps retrouvé de Proust, l’écriture fait une large place à l'exploration stylistique, à travers la question de l'écoulement temporel, la pratique d'une énonciation polyphonique, et par l'attention à la matérialité de la langue.

Analyse stylistique[modifier]

Olivia Rosenthal se livre dans Dans le temps à un jeu stylistique dont la liberté[1] rappelle celle de la littérature du XVIe siècle, dont elle est une spécialiste universitaire[2].

L'écriture du flux temporel[modifier]

Archaïsmes et jeu avec l'histoire de la langue[modifier]

L’énonciation au présent crée un espace-temps imprécis, à partir duquel surgissent des références à des époques révolues, au « temps jadis[3] ». Le passé ressurgit à travers des noms de personnages surgis du XVIe ou du XVIIIe siècle[4] (« Lysis, Robin, Clitandre[5] »), des mots ou des expressions peu usités. Les tournures archaïques rappellent l’histoire de la langue : l’article est souvent omis (« porter masque d’âne[6] »), et les inversions sont nombreuses, plaçant le complément avant, et/ou le sujet après le verbe : « sur les zincs tombent les pluies[7] ».

Temps et flux textuel[modifier]

Mais au-delà de ce « long tissage des récits anciens[5] », l’écoulement temporel est aussi figuré par le flux textuel. Les unités textuelles se présentent comme des « brouillons » entre lesquels les liens sont difficilement perceptibles. La discontinuité entre ces fragments s’accompagne néanmoins d’une forte continuité interne, construite par le travail de la phrase longue. Celle-ci, ponctuée par des virgules et des points, peut en effet s’étendre sur plusieurs pages. En son sein, les énumérations, qui jouent parfois sur la reprise de sonorités ou des effets de quasi synonymie (« les mots donnent chair de poule et peur de chien[8] »), permettent de moduler le rythme. La cadence a tendance à s’emballer en fin de phrase au gré d’une juxtaposition de mots de même nature grammaticale qui s’apparente à un début de mise en liste (« remuant, mou, flexible, élastique, humide[9] »)[10]. Le jeu des anaphores permet également de relancer la phrase et de lui donner une unité thématique et syntaxique[11].

Le travail de la polyphonie[modifier]

Ce travail du rythme prend part à un processus de poétisation de l’écriture se construisant dans un dialogue avec d’autres voix. Le narrateur cite ainsi à plusieurs reprises des vers de poètes qui font partie des canons universitaires, mais sans les isoler par des guillemets ni en indiquer la provenance : on reconnaît au détour d’une phrase un extrait du « Pont Mirabeau[12] » d’Apollinaire (« Ni temps passé ni les amours reviennent[13] »), ou un vers de Verlaine (« Par terre et sur les toits[14],[15] »). Ce régime d’allusions permet de créer une connivence avec le lecteur qui maîtrise ces codes. Dans un autre « brouillon », les vers de Mallarmé[16] sont au contraire exhibés dans leur différence par un découpage syllabique mettant en évidence une diérèse (« au clair regard de di-a-mant[17] »), ou encore par la reproduction des alinéas qui séparent les vers. D’autres fois, le texte poétique d’origine est légèrement modifié, dans un jeu de variation[18] sans doute inspiré des pratiques de la Renaissance : le « Que sont mes amis devenus ? » de la complainte de Rutebeuf devient « Mais que sont les poètes devenus[19] ? ».

Le dialogue avec des voix poétiques[modifier]

La polyphonie du texte fait aussi une place aux clichés[20], et au langage parlé et familier. La plasticité de la langue[21] est manifestée dans les expressions populaires comme « y disent[22] » ou « qu’on dit[23] », l’omission de la double négation, et les élisions (« tu s’ras un d’ceux-là p’t-être[24] »). Olivia Rosenthal elle-même indique que le fait « d’entendre la langue des autres[25] » est pour elle une importante source de créativité : à la limite, l’objectif est de parvenir à « entrer dans la langue de l’autre et [...] la saisir de l’intérieur[25] ». Ce travail de l'énonciation lui permet de déployer une écriture polyphonique au sein même d'un récit à la première personne[26]. Ce jeu sur la distance énonciative se retrouve aussi dans On n'est pas là pour disparaître[27]

Donner à entendre la langue quotidienne[modifier]

La langue est ainsi traitée comme une matière au sein de laquelle les jeux de sonorités sont nombreux[28]. Ce travail sur « le murmure de la langue[29] » fait l’objet d’une réflexivité qui touche au « rythme des vers en l’esprit[17] » (p. 25), au fait de « dire les mots de tout le monde mais en ordre inversé[30] », ou à ce qui advient « quand on lève la plume[31] ». Olivia Rosenthal propose donc à son lecteur de s'investir activement dans la pratique de véritables exercices stylistiques[32], et interroge par là notre rapport à la langue.

L'exploration de la matérialité de la langue[modifier]

Ceci fait écho à la dédicace du roman « À haute voix[33] » : la construction habituelle d’une dédicace, selon laquelle la préposition « à » indique le destinataire de l’œuvre, implique d’y voir une personnification de la voix. Parallèlement, cette mention peut révéler une intention voire une injonction de lecture, qui reposerait sur l’omission d’un verbe à l’impératif ou à l’infinitif (« Lire / lisez à haute voix »). En effet, Olivia Rosenthal elle-même indique écrire tous ses textes pour qu'ils puissent être lus à voix haute[25]. Cette « voix » imprègne l’écriture comme la lecture, et implique le corps dans le processus de création. Cette interprétation est corroborée par la quatrième de couverture, qui précise : « Il sera utile au lecteur bien intentionné de prendre au pied de la lettre les indications placées en exergue et de pratiquer la lecture à haute voix[34]. ». La quête d’identité de la voix narratrice s’accompagne donc, non sans humour, d’une mise en abyme du pacte de lecture.

Notes et références[modifier]

  1. https://www.lejdd.fr/Culture/Livres/Olivia-Rosenthal-J-ecris-des-recits-de-liberation-772895
  2. http://www2.univ-paris8.fr/litteraturefrancaise/index.php?option=com_content&view=article&id=44%3Arosenthal-olivia&catid=7&Itemid=12
  3. Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 20.
  4. http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/PagePersonnages.php?a=personnage
  5. 5,0 et 5,1 Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 19
  6. Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 56
  7. Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 81
  8. Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 46
  9. Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 46.
  10. « Éloge de la ponctuation (point de vue contemporain : d’Olivia Rosenthal à Bill Viola) – Nouvelle Fribourg », http://www.nouvellefribourg.com/universite/eloge-de-la-ponctuation-point-de-vue-contemporain-dolivia-rosenthal-a-bill-viola/
  11. http://next.liberation.fr/livres/2007/11/15/rosenthal-d-outre-memoire_106356
  12. https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Pont_Mirabeau
  13. Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 20
  14. Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 27
  15. Le vers est extrait du poème "Il pleure dans mon cœur" : https://www.poetica.fr/poeme-64/paul-verlaine-il-pleure-dans-mon-coeur/
  16. Dans le « Brouillon VI », le « Brouillon XX » et le « Brouillon XXI », les vers cités sont extraits de Hérodiade, de Mallarmé :
  17. 17,0 et 17,1 Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 25
  18. Voir le site de l’ENS Lyon : http://ecrit-cont.ens-lyon.fr/spip.php?rubrique77
  19. Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 41
  20. https://www.lemonde.fr/livres/article/2014/09/04/olivia-rosenthal-flirter-avec-les-limites_4481678_3260.html#Koscg2yUldLqrDF6.99
  21. M.-O. André, « Hériter la mémoire ? – Olivia Rosenthal et la maladie de A. », dans W. Asholt et M. Dambre (éd.), Un retour des normes romanesques dans la littérature française contemporaine, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2017, p. 169-180. Disponible en ligne : <http://books.openedition.org/psn/2085>
  22. Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 132
  23. Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 96
  24. Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 133
  25. 25,0 25,1 et 25,2 Olivia Rosenthal répondant aux questions de Guénaël Boutouillet, le 19 février 2009, sur le site remue.net : « Remue.net : Entrer dans la langue de l’autre et la saisir de l’intérieur. », http://remue.net/spip.php?article3084
  26. N. Murzilli, « L’expérimentation du dispositif chez Olivia Rosenthal : Les Larmes hors le livre », Cahiers de Narratologie. Analyse et théorie narratives, no 23, 21 décembre 2012. Disponible en ligne : http://journals.openedition.org/narratologie/6633
  27. http://books.openedition.org/psn/2085#tocto1n1
  28. Par exemple dans l’ouverture du « Brouillon XXIV » : « l’écheveau embrouillé de mes songes me ronge ». Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 75
  29. Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 19-20
  30. Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 62
  31. Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 95
  32. N. Murzilli, « L’expérimentation du dispositif chez Olivia Rosenthal : Les Larmes hors le livre », Cahiers de Narratologie. Analyse et théorie narratives, no 23, 21 décembre 2012. Disponible en ligne : http://journals.openedition.org/narratologie/6633
  33. Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, p. 7
  34. Olivia Rosenthal, Dans le temps, Paris, Verticales, 1999, quatrième de couverture.

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